Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une cause d’infériorité, un supplément de charge au point de vue de la concurrence internationale.

Produire à très bon marché en payant très cher les producteurs, c’est-à-dire les ouvriers, c’est une prétention analogue, semble-t-il, à celle du parlementaire qui conseillait « de demander plus au budget et moins au contribuable. » C’est pourtant en quoi consiste toute l’évolution industrielle où le développement du machinisme a permis, en augmentant la productivité des bras humains, d’acheter le travail plus cher et de vendre ses produits meilleur marché. En vertu du même phénomène, la victoire, entre nations rivales, appartient à celle qui sait le mieux organiser son industrie pour profiter de ses avantages naturels ou suppléer à ce qui lui manque.

Qu’il s’agisse de jouets ou de n’importe quelle autre marchandise, il ne faut pas espérer satisfaire le vœu émis par un commerçant naïf, qui consisterait à empêcher les Allemands de vendre bon marché. Nous ne pouvons agir qu’à l’intérieur de nos frontières, par les douanes : le droit actuel, établi au poids, correspond en moyenne à 10 pour 100 sur la valeur des jouets ordinaires introduits du dehors. Cette taxe est inférieure à celle de la plupart des autres pays. Nous ne parlerons pas de l’Espagne, ni de la Russie, on les jouets paient suivant leur classe de 250 à 1 700, et même à 2 600 francs les 100 kilos ; de sorte que la plus belle poupée russe paie 60 centimes pour entrer en France, tandis que la poupée française équivalente paie 20 francs pour entrer en Russie.

Mais, en Allemagne, le droit sur les poupées habillées, de 150 francs les 100 kilos, est deux fois et demie plus élevé que le nôtre. Il y a cinq ans, la Chambre des députés avait porté à 100 francs les 100 kilos le droit sur les jouets étrangers. Ce vote ne fut pas ratifié par le Sénat, qui maintint l’ancien tarif de 60 francs ; crainte, dit-on, de voir les vins français surtaxés par représailles en Allemagne. C’était un singulier marchandage de la part d’une république démocratique comme la nôtre, puisque l’exportation des vins fins favorisait uniquement les propriétaires, tandis que la protection d’une industrie nationale intéressait surtout les ouvriers.

Un détail donnera d’ailleurs quelque idée de la façon dont le Parlement forme son opinion en ces matières et de la lecture assez distraite que font ses membres des documens qui leur