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formeront « en prés, champs ou vignobles » les broussailles ou taillis dont leurs possesseurs ne tirent pas parti. Les résultats ne se font pas attendre. Les céréales, les choux, — mets classique au pays de la choucroute, — les arbres fruitiers, la garance, le tabac, enfin et surtout la vigne, honneur des coteaux qui encadrent les vallées vosgiennes, reprennent possession du sol. Les forêts, « fort dégradées », constate Colbert de Croissy, par le gaspillage des usagers riverains, sont sauvegardées par la mise en vigueur de la Grande Ordonnance de 1669. Dès la fin du siècle, l’Alsace produit près de 60 000 muids de céréales, soit 700 000 hectolitres. La Grange l’avait prédit peu auparavant : « Ce pays, étant fertile comme il l’est, se remettra entièrement à la paix. » Il acheva de se remettre au xviiie siècle, pendant lequel l’Alsace ne vit que deux fois l’ennemi. Le gouvernement pousse la sollicitude jusqu’à répandre en 1785 des brochures « imprimées par ordre du Roi » pour propager les bons procédés de culture.

Les industries s’éveillent ou se réveillent moins vite. Cependant il en est au moins deux qui se développent dès le début de la domination française : les brasseries de bière et les manufactures de tabac. En 1650, il n’y avait à Strasbourg qu’une douzaine de brasseries, on en compte déjà vingt-six en 1723. Le tabac était encore honni et condamné du haut de la chaire au milieu du siècle, et déjà, en 1698, sa préparation occupait 1 500 personnes à Strasbourg. En 1718, on y trouvait 72 manufactures, et leur tabac à priser, grâce à un tour de main, une « sauce », dont le secret était jalousement gardé, s’exportait jusqu’en Hongrie et en Russie. Au xviiie siècle apparaît la grande industrie. Les cotonnades prospèrent à Mulhouse, — qui ne fait pas encore partie de l’Alsace, — à partir de 1745. On y cite une vingtaine de fabriques en 1789, occupant de 5 000 à 8 000 ouvriers, sans compter tous ceux qui en vivent indirectement. Comme la ville n’avait guère que 5 000 habitans, on voit que son industrie rayonnait au loin. Mme  de Pompadour n’avait pas dédaigné de contribuer à cet essor économique en mettant à la mode les indiennes. Mais il est inutile d’entrer dans de plus amples détails pour montrer le développement industriel de l’Alsace sous le régime français. Rien n’est moins contesté. Le commerce gagne de même en activité. Trois routes parallèles desservaient le pays du Sud au Nord, et la grande voie trans-