Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allemande et ses servans, tout était détruit[1]. — N’est-ce pas aussi beau que le mot fameux du chevalier d’Assas ? Et voyez-vous ce sujet traité par Maupassant ou par Mérimée ?

L’abondance, peut-être bientôt excessive, des nouvelles ou romans militaires ne sera pas, j’imagine, dans la littérature romanesque, l’unique conséquence de la guerre européenne. A côté des romans d’aventure, des romans de cape et d’épée et des romans historiques que nous pourrions bien voir se multiplier avec quelque profusion, nous allons, si je ne m’abuse, voir se développer ce que j’appellerais volontiers le roman de la saine vie française. Une fine observation des mœurs, des caractères et des milieux, une poésie familière et intime, le sens des problèmes moraux, une grande simplicité d’intrigue et de mise en scène, bref, une représentation discrète, exacte, et d’où ni la variété, ni la grandeur ne seront absentes, de la vraie France, de celle qui ne fait pas beaucoup de bruit et qui travaille, de celle que n’ont pas su voir les myopes espions du roi de Prusse, et qui s’est levée tout entière pour repousser l’envahisseur : on peut prédire aux romanciers de talent ou même de génie qui s’engageraient dans cette voie une très riche matière à exploiter et de durables succès d’excellent aloi.

Sans vouloir faire tort à la littérature d’imagination, on peut penser que la littérature historique, elle aussi, va recevoir des événemens actuels une très heureuse impulsion ; et même, si quelques jeunes écrivains, plutôt que de s’enrôler dans la légion des romanciers médiocres, avaient la bonne pensée d’employer leurs réelles qualités d’imagination et de style à l’élaboration de quelques livres d’histoire, le bénéfice ne serait pas mince. Car, — je sais les exceptions, et je les honore comme il convient, — ce qui a manqué le plus à nos récentes écoles historiques, ce sont précisément ces qualités littéraires pour lesquelles elles avaient le tort d’affecter le plus souverain mépris. Sous l’influence d’une fausse idée de « Science, » — qui nous vient d’Allemagne, on ne saurait trop le redire, — on s’était mis, chez nous, dans le pays d’Augustin Thierry et de

  1. J’emprunte ce récit, qui, renseignemens pris, est parfaitement authentique, à la Presse du 14 décembre 1914. .Mais pourquoi ne nous a-t-on pas fait connaître les noms de ces deux héros ? Ils devraient voltiger sur toutes les lèvres françaises.