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Verrons-nous se dessiner dans la critique une évolution parallèle ? Je le crois, pour ma part, et je l’espère fermement. Dans ce domaine aussi, l’idole de la « Science » avait exercé ses funestes ravages. Que de bons esprits, auxquels ne manquaient ni les idées, ni le goût, ni le style, se sont évertués, par scrupule soi-disant « scientifique, » par un ascétisme d’un nouveau genre, à des compilations sans originalité et, parfois même, sans utilité ! L’érudition, sous les formes les moins aimables et les plus pédantesques, envahissait toute cette vaste province de l’esprit français, l’une de celles où notre génie national, de l’aveu même des étrangers, a produit quelques-unes de ses fleurs les plus exquises et les plus rares. En poésie, en histoire, au théâtre, dans le roman, les Français ont à l’étranger des émules ou même des maîtres ; ils n’en ont point en critique : dans aucune littérature, on ne trouvera l’équivalent de Sainte-Beuve. En dépit des efforts et des protestations de quelques trop rares écrivains, nous avons failli faire trop bon marché de cette supériorité native ; nous nous sommes mis à la remorque de la lourde et arrogante Allemagne ; et, dans le genre même où nos traditionnelles qualités de tact, d’ingéniosité, d’intuition, sont le plus nécessaires, nous sommes allés demander des leçons de « méthode » au pays où « l’esprit géométrique » fleurit peut-être avec abondance, mais qui, assurément, est aussi dépourvu que possible d’« esprit de finesse. » Et il n’a plus été question que de « bibliographie, » de « critique de textes, » de « monographies, » que sais-je encore ? Chaque critique s’est cru un « savant, » et, autant qu’il était en lui, a essayé de transformer en un « laboratoire » son modeste cabinet de travail. J’ai peur qu’à cet égard la docte Université de