seulement de prendre au sérieux le cancer dévorant qui menace notre existence nationale. Et, — je le dis avec douleur, — personne ne le prend au sérieux.
Qu’on étudie les colonies, l’agriculture, les choses militaires, les affaires religieuses, l’instruction publique, les histoires du passé, les divisions politiques des partis. Soit ! Mais à une condition, c’est qu’on se rende compte du toujours médiocre intérêt de ces questions, à côté de notre natalité décroissante. Pour un Français soucieux du sort de son pays, rien ne peut avoir qu’une importance secondaire, au prix de ce grand fait dominateur, de ce cataclysme inexorable et lent qui nous engloutit sans heurt et sans souffrance. Car vraiment la France, si nous n’osons pas une réforme radicale, demain ne sera plus une grande nation.
A quoi bon les colonies, l’agriculture, l’armée, les travaux publics, l’instruction primaire, les affaires religieuses ou politiques ? A quoi bon toutes les choses de France, si demain il n’y a plus de Français ?
En ces momens tragiques, la France sacrifie les meilleurs de ses enfans pour résister à l’invasion germanique. A quoi bon tout cet héroïsme des Français, si la France doit demain s’éteindre, non par un fait de guerre, mais par un acte de volonté ? Pourquoi tout ce courage sur le champ de bataille, si d’autre part elle se condamne au suicide ? Car c’est un suicide qu’elle commet chaque jour. Elle ne veut pas durer. Elle atteste sa volonté de n’être plus une nation.
Veut-on des preuves ? Les voici. En 1770, il y a un siècle et demi, les Français étaient, dans le monde civilisé, 1 sur 4. En 1850, ils n’étaient plus que 1 sur 10. En 1915, ils ne sont plus que 1 sur 25. Dans trente ans, s’ils ne savent rien inventer pour arrêter cette déchéance, ils seront 1 sur 50.
Nous pourrions avoir chaque année dix-huit cent mille naissances. Nous n’en avons que huit cent mille. C’est comme si nous perdions chaque année, dans de sinistres et inconnues batailles, un million d’hommes.
Assurément cette décroissance est intéressante surtout au point de vue français. Et je comprendrais qu’un étranger en prît médiocre souci. Le monde ne périra pas, parce que les Français seront un petit peuple. L’évolution de l’humanité vers l’avenir continuera. Il y aura encore une planète habitée par des