négociations mystérieuses se poursuivaient à Rome ; la ville assistait, sans en pénétrer le secret, aux allées et venues des ministres et des diplomates : des destinées encore inconnues s’élaboraient ; l’Italie enfin vivait une des heures les plus solennelles de son histoire. Qu’en résultera-t-il pour nous ? Sans doute la paix sera plus difficile à faire à cause des conditions nouvelles qui devront y être introduites, mais elle sera plus prochaine par l’effet des forces nouvelles qui vont entrer en action.
On croit généralement que ces forces ne comprendront pas celles de l’Italie seule et que la Roumanie à son tour fera bientôt le pas décisif. On a beaucoup dit que les deux Puissances s’étaient entendues pour intervenir en même temps. Le moment prévu est-il arrivé ? Il s’est passé à Bucarest un fait dont nous ne voulons pas exagérer l’importance, mais qui est significatif : M. Marghiloman a donné sa démission de chef du parti conservateur. Il était connu pour ses sentimens très fermement neutralistes. A-t-il changé d’avis, ou son parti a-t-il refusé de le suivre ? Quoi qu’il en soit, une scission s’est produite entre eux, et c’est un indice incontestable du travail qui s’est fait dans les esprits depuis quelques semaines. La résistance à l’intervention a diminué, si même elle n’a pas disparu. S’en tiendra-t-on là dans les Balkans ? La Bulgarie et la Grèce resteront-elles en dehors du mouvement qui se dessine, ou au contraire y entreront-elle s ? Les renseignemens nous manquent à ce sujet, mais si on en juge d’après les intérêts en jeu, il est probable que les mêmes influences agiront sur tous les neutres balkaniques et les orienteront dans le même sens. Peut-être faudra-t-il encore quelques jours pour qu’ils prennent définitivement parti. La diplomatie allemande agit certainement sur eux avec tous ses moyens de persuasion ou d’intimidation, et ces moyens sont puissans. Mais quelque respect superstitieux qu’on ait eu pour la force germanique, on doit commencer à s’apercevoir qu’elle touche à son déclin. Les Italiens passent généralement pour des politiques réalistes, réfractaires aux entraînemens irréfléchis, nullement sentimentaux, calculateurs habiles, très experts à soupeser le pour et le contre ; c’est ainsi qu’on les a toujours vus opérer dans l’histoire, et rien dans ces derniers temps n’a modifié l’idée qu’on s’était faite de leur sagacité ; si donc ils se déterminent en faveur de la Triple-Entente, beaucoup penseront qu’ils ont pour cela de sérieux motifs. Cela prouve, en tout cas, que le bluff allemand, à quelque exagération qu’il ait été porté, a manqué son effet et certainement les procédés dont il a usé y sont pour quelque chose. Jamais