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des hostilités venaient à se produire à ses frontières. Le Gouvernement belge ajoutait qu’il n’en avait pas moins pris toutes les mesures nécessaires pour assurer l’observation de sa neutralité, mais qu’elles n’avaient été inspirées ni par le dessein de participer à une lutte armée des Puissances, ni par un sentiment de défiance envers aucune d’elles[1].

M. Zimmermann écouta sans mot dire la lecture de ce document, où respirait la loyale confiance de mon Gouvernement dans les intentions de l’Allemagne, et prit acte de ma communication. Son silence ne me surprit pas, car je venais d’être informé de la réponse évasive de M. de Jagow à la question du gouvernement britannique concernant la Belgique ; mais il confirma toutes mes craintes. Le sourire embarrassé de mon auditeur en disait autant, du reste, que son mutisme.

Dès le 30, la Russie et l’Allemagne, — conséquence inévitable des conversations du 29, — poursuivirent activement leurs préparatifs militaires. Quels furent au juste ces préludes de la mobilisation allemande ? Il était impossible de le savoir exactement à Berlin. Des bruits divers circulaient, présages de sinistre augure. Nous entendions parler de régimens en marche, dirigés des provinces du Nord sur le Rhin. Nous apprenions que des avertissemens étaient remis aux hommes de la réserve de se tenir prêts à partir. En même temps, les communications postales avec la Belgique et la France étaient coupées. A la Wilhelmstrasse, on me dépeignait ainsi la situation : « L’Autriche répondra par une mobilisation générale de son armée à la mobilisation partielle de la Russie. Il est à craindre que celle-ci ne mobilise alors toutes ses forces, ce qui obligerait l’Allemagne à en faire autant. » Dans la nuit du 30 au 31, la mobilisation générale fut en effet décrétée en Autriche.

Néanmoins, les pourparlers pacifiques continuèrent entre Vienne et Pétersbourg le 30 et le 31, quoique, en Russie, ce dernier jour, pour répliquer à la fois à la mobilisation autrichienne et aux préparatifs allemands, une mobilisation générale, comme on s’y attendait à Berlin, eût été ordonnée. Ces pourparlers semblèrent même, dans la journée du 31, avoir quelque chance d’aboutir. Le Cabinet de Vienne mesurait mieux la profondeur du péril, où son aveugle présomption et les

  1. Livre gris belge, annexe au n° 2.