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Voilà des questions auxquelles il est d’un intérêt tout actuel de répondre.


Un peuple se multipliant sur un sol étroit, cultivant le terrain pauvre d’îles volcaniques, devait nécessairement chercher à se répandre au dehors.

Aussi, dès que les Japonais se furent lancés dans le courant de la civilisation occidentale, songèrent-ils à profiter de l’accroissement de force qui en résultait pour eux, afin de prendre un pied solide sur le grand continent en face de leurs îles. Peuple de marins et de guerriers à peine sorti de la féodalité, le Japon devait en outre envisager son expansion au dehors sous la forme de la conquête. Il grandissait, se créait une armée et une marine selon les procédés scientifiques de l’Occident, à l’heure même où la plupart des grandes nations se lançaient dans les conquêtes coloniales et se partageaient la terre habitée par des races inférieures ou par des peuples d’une organisation sociale rudimentaire. Les professeurs, les savans, les hommes d’Etat, les économistes, les gens d’affaires justifiaient cette politique au nom du progrès de la civilisation. C’était un devoir de mettre en valeur, avec toutes les ressources modernes, les territoires occupés par des retardataires dont l’ignorance, l’insouciance, la paresse frustraient l’humanité entière des bienfaits d’une production perfectionnée. C’était un droit d’obliger les peuples inférieurs à céder la place à de plus aptes ou à subir la domination de ceux-ci. C’était un droit également d’employer la force des armes pour les y contraindre au besoin.

De tels enseignemens, par la théorie et par l’exemple, étaient, en l’espèce, une semence tombant dans le terrain le mieux préparé qui fût pour la recevoir.

Les dirigeans du peuple japonais, seigneurs des grandes familles qui entouraient le trône, ainsi que tous les descendans de sociétés féodales, ne concevaient le développement du Japon que par la puissance militaire.

Aussi ce fut dans ce sens qu’ils orientèrent leurs efforts. Ils jetèrent les yeux sur la Corée, terre riche et fertile, dont le climat tempéré est analogue à celui de la France et dont la population est douce et simple ; depuis longtemps, d’ailleurs,