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ces derniers n’étaient à leurs yeux que des étrangers se disputant un morceau de leur pays, arraché, par la force, à la faiblesse du précédent gouvernement. Presque tous restaient fort sceptiques quant à la promesse de restitution à la Chine, que semblait contenir l’ultimatum à l’Allemagne. Ils attendaient. Toutefois, ils apprenaient que, depuis la chute de Tsingtao, quantité de Japonais accouraient du Japon et de la Mandchourie, leur gouvernement, disait-on, payait même le voyage à la plupart de ces derniers qui s’empressaient de s’installer comme s’ils voulussent se fixer là à perpétuelle demeure.

La diplomatie des Puissances attendait aussi avec curiosité que se dessinât d’une façon nette l’attitude du vainqueur au sujet de la restitution de la colonie allemande a la nouvelle république. Depuis de longues années ces Puissances s’évertuaient, par une série d’accords, à éviter qu’aucune d’entre elles ne prédominât dans l’influence qu’elles exerçaient sur le débile gouvernement de ce pays inorganisé, mais si riche d’espérances, et pour cela, après avoir virtuellement renoncé à un partage manifestement impossible, elles avaient adopté le système du respect de l’intégrité de la Chine. Comme conséquence, elles s’efforçaient, toutes les fois que quelque action sur le gouvernement chinois s’imposait, de maintenir l’équilibre des influences, de l’octroi des concessions, de l’obtention de conseillers, par des discussions diplomatiques. Est-ce que, cette fois-ci, cet équilibre allait être rompu au profit des victorieux ? Au Japon aussi on se préoccupait vivement de cette question. Un parlementaire questionna à ce sujet le ministre des Affaires étrangères, le baron Kato. Celui-ci répondit que le Japon n’avait donné à aucune Puissance l’assurance de la restitution de Tsingtao à la Chine ; les publicistes japonais s’empressèrent de faire remarquer que leur pays eut été obligé d’accomplir cette restitution conformément aux termes mêmes de l’ultimatum, si l’Allemagne s’inclinant avait bénévolement remis le territoire au Japon ; mais que tel n’était pas le cas. En refusant toute réponse à la demande japonaise, l’Allemagne rendait caduc le document qui devenait ainsi inexistant quant au semblant de promesse qu’il contenait ; que d’ailleurs, tant que les hostilités ne seraient pas terminées en Europe, il n’était pas temps de discuter cette question, soit avec la Chine, soit avec les Puissances. Après la conclusion de la paix, on verrait.