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Dès qu’elles furent divulguées, les Chinois ne se trompèrent pas sur la gravité de la situation. Cette fois-ci, ils ne se trouvaient plus en face d’un groupe de compétiteurs se jalousant et se neutralisant ; le réclamant était seul, il parlait haut et ferme, la main sur une épée prête à sortir du fourreau.


Cette attitude du lapon, au lendemain d’un succès militaire qui le substituait en Extrême-Orient à l’Allemagne elle-même, était facile à prévoir, et il est probable que les cercles diplomatiques informés, tout en estimant un peu grandes les prétentions du vainqueur de Tsingtao, n’en furent pas autrement surpris. Depuis plusieurs mois les publicistes japonais s’étaient chargés de formuler les desiderata des hommes entreprenans qui, chez eux, travaillent à l’expansion de leur pays. Ces vœux ne tendaient pas moins qu’à une sorte de prise de possession indirecte, non juridique sans doute, mais effective, de la Chine elle-même. Dans un curieux article de septembre 1914 et qui a fait beaucoup de bruit, M. Outchida, dans l’Expansion coloniale, développait ainsi le point de vue, du parti influent impérialiste de son pays. D’abord, se bien mettre en l’esprit que la question chinoise est une affaire vitale pour le Japon ; la nécessité pour lui de se développer sur le continent et de prendre en mains la direction de quatre cent cinquante millions de Chinois est absolue. On doit saisir cette direction à la première occasion favorable et la garder avec la plus ferme résolution, dût-on faire la guerre, avec toutes les forces de l’Empire, à quiconque prétendrait s’y opposer. Puis, si le président Yuen Chekai, qualifié « d’homme sans loi et sans sincérité, » ne veut pas consentir à être un instrument docile, il doit être remplacé par un nouvel empereur chinois, entouré des conseillers japonais. D’autres conseillers devront être placés auprès de tous les postes de direction de l’administration, et exercer une action prépondérante, aussi bien à la capitale que dans les provinces. Des écoles japonaises, fondées et dirigées par des Japonais, devront se créer dans toute la Chine, afin de propager partout la langue du Nippon. Mais d’abord, on devra obtenir, du chef actuel du gouvernement de Pékin, des traités, des concessions susceptibles de préparer l’action future de l’administration indirecte japonaise.