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CE QU’ILS N’ONT PU DÉTRUIRE

LES TAPISSERIES

SAUVÉES DE LA CATHÉDRALE DE REIMS

AU PETIT-PALAIS

Au Moyen âge, lorsque la guerre obligeait un prince à quitter ses foyers pour entrer en campagne, il ne manquait pas d’emporter, avec lui, ses tapisseries. On les roulait, on les mettait sur le dos des mulets ou « sommiers, » et elles suivaient le camp, si elles ne le précédaient pas. A l’étape, on les déroulait, on les accrochait soigneusement aux murailles du château ou de l’hôtel de ville, là où devait s’arrêter le chef, parfois même autour de sa tente, en plein champ. Inutile de dire si les badauds et les enfans, habitans de ces pays perdus, s’attroupaient pour voir se déployer les éclatantes figures tissées dans la laine, l’or ou la soie : les rois, les prophètes ou les saints, avec leurs beaux phylactères déroulés de la bouche, les bêtes fantastiques affrontées avec leurs longues cornes au milieu du front, Dieu le Père en habits d’archevêque, les dames tout emperlées, les seigneurs coi Iles de leurs toques et de leurs bicoquets. Les pauvres gens se remplissaient l’imagination de ces images pour toute leur vie et, la guerre finie, le prince disparu, il leur en restait une vision du Paradis et de l’Art des hommes plus durable peut-être que les horreurs auxquelles ils avaient assisté.

Nous sommes, en ce moment, ces badauds. Les hasards de la guerre ont amené à Paris, où elles n’auraient jamais dû