perdu et il demande à Haugwitz ses passeports. Il rencontre le général Phull qui lui expose avec beaucoup d’énergie la faiblesse, l’inconséquence et la pusillanimité du général en chef. Il voit arriver Goethe qui assiste tristement à la chute de la monarchie. On dîne chez Haugwitz, et ce dernier dîner, dit Gentz, est moins triste que celui de la veille, « car M. de Lucchesini a tout fait pour l’égayer ! » On croit que les succès des Français à Géra et à Zurich ne sont que des succès passagers. « Si nos affaires vont bien, dit Haugwitz à Gentz, je vous donne rendez-vous à Wurzbourg… » Mais en prononçant ces mots, il ne peut s’empêcher de verser des larmes.
Gentz part, le 12 octobre, de Weimar, à cinq heures, et le 13, il entend une forte canonnade à Buttstedt qui se prolonge toute la nuit ; il gagne Singerhausen, où règne une affreuse panique, puis Halle qu’on appelle « le chemin de l’enfer, » puis le 14 octobre, Mansfeld, où une nouvelle canonnade lui annonce l’événement décisif et lui cause des alarmes inexprimables. Il arrive le 15 à Bernsbourg, puis à Denau où court le bruit d’une victoire complète remportée par le prince de Hohenlohe. Le 16, il est à Wittenberg, où l’allégresse est générale, car on y affirme la défaite complète des Français. Il se rend à Torgau, où l’on a répandu les mêmes bruits de victoire. Le 17 octobre, il arrive à Dresde et voici les derniers mots de son journal :
« C’est là seulement que les plus épouvantables nouvelles sont venues fondre sur moi… et lorsque j’ai quitté Dresde deux jours après, les portes de l’espérance ont paru se fermer derrière moi sur l’Allemagne et sur l’Europe ! »
Le 25 octobre, Napoléon entrait dans Berlin, ayant conquis tous les pays prussiens jusqu’à la Vistule. En un mois, toute la monarchie prussienne était tombée en son pouvoir. Il avait fait ouvrir à Potsdam, dans l’église de la garnison, le tombeau de Frédéric II et enlevé l’écharpe et l’épée du Roi, destinées aux Invalides. Quelques jours auparavant, il avait détruit la colonne de Rosbach pour ne laisser en Prusse aucun vestige des anciens revers des Français.
HENRI WELSCHINGER.