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aucune alliance secrète à s’abriter dans les bras de l’Angleterre contre les coups du colosse allemand ?

Au représentant de la République française, qui, mis au courant des événemens, s’empresse de lui offrir spontanément le secours, de la France, notre ministre des Affaires étrangères répond, de son côté, par des remerciemens ; mais il décline pour le moment tout appui : le Gouvernement belge se réserve d’apprécier ultérieurement ce qu’il y aura lieu de faire. Ce n’est que le lendemain soir, quand chaque heure envolée avait une importance angoissante, et après qu’il a appris l’entrée en Belgique depuis le matin des envahisseurs, qu’il fait appel avec un sang-froid admirable, l’attentat accompli, à l’Angleterre, à la France et à la Russie, pour coopérer à la défense de notre territoire. Où trouverait-on un pareil souci d’observer jusqu’au dernier moment les règles imprescriptibles imposées par les traités et de rester fidèle, en présence d’un péril de mort, à la neutralité jurée ?


VII

J’avais appris, le 2 août, par notre attaché militaire, qui tenait la nouvelle d’un officier de la maison de l’Empereur, l’occupation du grand-duché de Luxembourg. La direction prise par l’armée allemande ne me laissait aucune illusion quant à l’envahissement prochain du Luxembourg belge, et je télégraphiai à mon gouvernement mes impressions pessimistes. Cependant, je n’avais pas mesuré toute l’étendue du malheur qui allait fondre sur ma patrie. En recevant, le lundi soir 3 août, le télégramme officiel m’informant de l’ultimatum allemand et de la réponse qui y avait été faite, mon premier sentiment fut la stupeur, puis l’indignation ; mais je m’efforçai de n’en laisser rien voir à mes jeunes secrétaires, pour ne pas augmenter inutilement leur émotion et leur colère. Après les avoir exhortés au calme et au sang-froid, je passai une partie de la nuit et réfléchir aux questions que je voulais poser le lendemain, dès la première heure, au secrétaire d’Etat, car il me paraissait impossible de ne pas exiger de lui des explications immédiates sur l’acte inqualifiable du gouvernement allemand.

L’empressement que M. de Jagow mit à me faire savoir, le mardi matin, qu’il m’attendait au ministère, me prouva qu’il