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une moindre mesure, le Chili, ont pu annexer à leur heure, sans y rencontrer aucune colonie officielle, les archipels et les plateaux de la Patagonie, c’est qu’aucune nation européenne n’avait jugé opportun de se risquer sur cette carrière consignée par la doctrine de Monroe. Celle-ci fut donc incontestablement une assurance de l’intégrité du continent américain contre des empiétemens possibles de l’Europe ; en ce sens, elle est demeurée fidèle à son principe.

Mais n’a-t-elle pas abrité aussi, de la part des États-Unis eux-mêmes, des actes de colonisation, en territoire censé garanti contre toute emprise de l’étranger ? L’occupation du Texas et de la Californie fut préparée par une invasion pacifique de ces provinces, dont le gouvernement central du Mexique se désintéressait ; des pionniers yankees avaient commencé par s’y fixer ; puis, ils se déclarèrent lésés par les autorités mexicaines et proclamèrent une république indépendante. À ce moment précis, le général Frémont se trouvait au voisinage de la frontière, présidant à de « grandes manœuvres ; » il n’eut qu’une étape à franchir pour délivrer ses compatriotes opprimés ; bientôt après, la Californie, cessant son existence autonome, devenait un État de la grande Union. Il est vrai que le Mexique n’avait pas su administrer ces régions ; des politiciens, maladroits et mal informés, avaient frappé les missionnaires des Indiens, croyant atteindre des « suppôts de l’Inquisition, » et l’anarchie avait succédé à l’ordre laborieux de belles communautés chrétiennes ; mais il n’est pas moins notoire que ces imprudences n’attirèrent pas l’attention des États-Unis, jusqu’au jour où il parut probable que la Californie est un pays de mines d’or : les prospecteurs passèrent les premiers, le drapeau étoile ne tarda pas à les suivre (1845-1848).

Une autre raison avait déterminé l’action du Président, alors James Knox Polk ; au milieu d’incertitudes et de discordes civiles, meurtrières aux intérêts des résidens étrangers, un notable Mexicain, Paredes, avait pensé à chercher des concours en Europe ; il songeait à fonder une monarchie mexicaine pour l’un des fils de Louis-Philippe, le Duc de Montpensier, qui venait d’épouser une princesse espagnole.

Ce projet n’eut aucune suite, mais il excita la méfiance des États-Unis, qui saisirent ce moment pour proposer au Mexique l’achat du Texas ; écartés par un refus, ils dirigèrent