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dernier courrier de l’ambassade (voilà sans doute pourquoi nous n’avons pas vu M. de Montrond depuis plus d’une semaine). Un nouvel avis est arrivé aujourd’hui, selon lequel la Reine sera autorisée à traverser la France, mais en suivant une route tracée et en évitant Paris.

Elle est lasse à mourir de cette incertitude perpétuelle, de ces fluctuations au jour le jour, et ne se fie qu’à demi à son interlocuteur ; mais au moins, pendant cette visite, son fils était-il absent. Londres est plein pour lui d’embûches ; elle craint qu’il ne nous montre ici, avec les républicains français, la copie conforme de ce que nous avons vu à Florence avec les carbonari. Elle s’écartera donc, et, pour commencer, se rendra lundi à Wooburn Abbey, chez les Bedford.

Son sort veut qu’elle ne soit jamais tant sollicitée et tentée que dans les temps les plus troubles et les plus dangereux. Ces confuses années 1830 et 1831 rappellent 1814 et 1815 ; tout le monde sentait la fin de l’Empire ; personne ne voulait croire au recommencement des Bourbons ; elle a fait alors ce qu’elle fera toujours : elle a agi au jour le jour, et chaque fois selon son cœur.

L’Empereur disait d’elle : « Hortense est si sensible qu’on pourrait craindre pour son jugement ; mais, au contraire, c’est sa sensibilité même qui la fait juger sainement. » Elle a eu des amis, elle a été aimée : voilà ce qui doit la consoler de tout. Labédoyère a eu pour elle un sentiment pur, fidèle et désintéressé. C’était l’âme du monde la plus haute et la plus chevaleresque, un moderne Hippolyte, pour qui rien n’existait, que la patrie et le devoir. Elle n’a reçu de lui qu’une seule lettre d’amour, à laquelle elle n’a pas répondu ; mais il lui a donné mille preuves du dévouement le « plus tendre et le plus vigilant.

En 1809, tandis qu’elle prenait les eaux à Plombières, il vint lui annoncer la victoire de la Raab, remportée par le prince Eugène. En 1814, al veilla comme un père sur les jeunes princes, pendant qu’elle était absente, et ne manqua pas d’aller tous des deux jours de Paris à Saint-Leu, exprès pour les voir.

Plusieurs fois, elle dut lui reprocher de venir trop souvent chez elle, ou de n’y pas amener sa femme. Il était allié aux Damas, aux Chatellux, ce qui lui permit de garder sous les Bourbons son grade et son commandement ; mais il ne leur avait prêté aucun serment, il les détestait, et c’est de son propre