Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même temps que de sa commisération ; mais nous permettra-t-il à notre tour de lui demander sincèrement si, aux péchés dont il nous charge, il ne faudrait pas encore ajouter celui de n’avoir pas prêté une attention suffisante aux dix-neuf volumes de son théâtre ?

La connaissance de l’Allemagne fait défaut à la plupart des littérateurs espagnols ; manque-t-elle aussi aux studieux, plus particulièrement aux philosophes et aux savans ? Une excellente institution, fondée à Madrid il y a quelques années, la Commission pour le perfectionnement des études supérieures (Junta para ampliacion de estudios), dont le but est d’envoyer des étudians espagnols à l’étranger pour y poursuivre des études déjà commencées en leur pays, dirige souvent ses missionnaires sur les universités allemandes. En matière philosophique, on ne sait pas encore ce que la formation allemande réussit à faire d’un jeune cerveau espagnol d’aujourd’hui : l’avenir le dira, mais les expériences antérieures n’avaient pas été fort heureuses. La pensée philosophique allemande, vers le milieu du XIXe siècle, était essentiellement représentée en Espagne par le Krausisme ou doctrine de Karl Christian Friedrich Krause, un disciple assez obscur de Schelling et que les siens mêmes ne tiennent pas pour un très grand personnage. Ce Krausisme, qui fut après la révolution de 1868, pendant quelques années, la doctrine en faveur auprès des universités espagnoles, succomba surtout aux attaques très vives des traditionalistes catholiques, alors fort peu germanophiles, et trouva, en dernier lieu, un adversaire impitoyable dans la personne de Menéndez y Pelayo, qui l’accabla de ses quolibets et lui donna le coup de grâce. Il ne resterait de cette doctrine qu’un souvenir bien vague, si elle n’avait pas été embrassée par M. Francisco Giner de Los Rios, pédagogue célèbre, qui vient de mourir à Madrid ; mais l’œuvre essentielle de cet homme de haute valeur morale et respecté de tous les partis, son École libre et sa méthode pédagogique, doivent bien plus à l’Angleterre et à la France qu’à l’Allemagne.


Nul n’ignore à quel point les Allemands prétendent s’emparer des sciences biologiques et les marquer de leur sceau. Pour un peu, ils déclareraient que ce domaine leur appartient