permanente, la raison est simple : leurs pièces de canon étaient immobilisées dans des ouvrages permanens, auxquels elles étaient presque rivées, d’avance soigneusement repérés, indiqués sur toutes les cartes ; l’assiégeant savait sur quoi il devait tirer ; l’assiégé non, étant donné surtout la facilité de déplacement et de défilement, et le tir rapide des pièces lourdes de campagne allemandes. Dans ces conditions, ce qui devait arriver arrivait : dans la lutte de deux batteries dont l’une est repérée et l’autre non, c’est la première qui doit, en moyenne, fatalement être réduite au silence, même si elle est beaucoup plus puissante que l’autre, même si elle est protégée par d’épais cuirassemens et l’autre non.
En résumé, que l’on considère la guerre en rase campagne, la guerre navale, les places fortes, on voit que j’étais sans doute fondé à dire que la guerre actuelle est surtout une partie de cache-cache. Je dirai quelque jour les divers moyens qui sont employés d’un côté et de l’autre de la barricade pour attaquer, suivant les cas, ce problème. Le moment n’est pas encore venu d’en parler, et mes lecteurs voudront pardonner, j’espère, à l’humble « pékin » que je suis d’avoir osé toucher en passant à ces questions de haute envergure. Mais, dans l’art de la guerre, comme dans la science, il est bon de s’élever de temps en temps des petites contingences particulières à quelques vues générales. Cela aide à classer les idées et fournit un cadre solide où les impressions de chaque jour épinglent plus facilement leurs fleurs aux mille couleurs. Revenons maintenant à ces impressions.
Le colonel N…, sous les ordres de qui j’ai eu l’honneur de servir comme agent de liaison pendant un temps trop court à mon gré, m’a donné tout à l’heure l’ordre de faire seller les chevaux. Nous devons aller faire une reconnaissance et la journée sera bien remplie.
Ce colonel est le type le plus accompli du « chef » que j’aie rencontré dans cette guerre, du « chef » tout court, mais surtout du « chef français » en qui les qualités militaires et viriles se teintent harmonieusement d’humanisme. Grand, solide, cavalier intrépide, silencieux, avec une belle tête noble et grave,