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REVUES ÉTRANGÈRES.

nation puissante, formidable à sa manière, une nation férocement résolue, armée jusqu’aux dents. Oui, et qu’en reste-t-il à l’heure présente ? Le génie guerrier de l’Allemagne l’a toute transformée en un vaste désert ! » C’est sur ces mots que s’achèverait l’instructive brochure, si l’auteur n’avait pas cru devoir nous rappeler encore, dans un post-scriptum, une vérité que, sans doute, on lui aura ordonné d’introduire par tous les moyens dans l’esprit de ses lecteurs, — car, à plus d’une reprise déjà, il nous l’a répétée, comme un refrain ou une « idée fixe, » au milieu de récits ou de descriptions où elle n’avait rien à voir : « J’espère avoir dorénavant suffisamment démontré que, encore bien que l’Allemagne se trouvât parfaitement préparée à la guerre, et l’Angleterre pas du tout, cependant c’est uniquement l’Angleterre qui a voulu cette guerre, et qui en restera responsable devant l’avenir ! »


Ainsi M. Hun Svedend, dans l’abondance ingénue de son cœur, tâche de son mieux à s’acquitter de la mission que lui a confiée son « auguste et invincible ami, » l’empereur Guillaume ; et tout à fait de la même manière y a tâché, avant lui, ce Sven Hedin dont il n’est en vérité pour nous, comme je l’ai dit, qu’un très fidèle écho. Le culte qu’ils professent tous deux à l’égard de l’Allemagne dérive d’une inspiration si particulière que j’aurais scrupule à mettre en comparaison avec lui les sentimens « germanophiles, » infiniment plus discrets à la fois et plus respectables, d’autres « témoins » étrangers tels que le journaliste américain M. Stanley Washburn, dont je parlais ici le mois passé, ou que son compatriote et confrère M. Granville Fortescue, qui vient de publier à Londres un curieux récit de ses Visites sur le front en compagnie de trois armées. Mais c’est chose certaine que l’un et l’autre de ces correspondans américains de journaux anglais nous laissent deviner assez clairement, eux aussi, la difficulté qu’ils éprouvent à partager tout à fait notre mélange de colère et de haine envers l’espèce malfaisante de nos agresseurs. Et tandis que les sympathies « allemandes » de M. Washburn, à en juger par le recueil de ses lettres, semblaient décroître à mesure que le correspondant du Times avait l’occasion d’observer de plus près les pratiques guerrières des envahisseurs de la Pologne, c’est par une « évolution » tout opposée que les derniers chapitres du livre nouveau de M. Fortescue nous le montrent devenu plus indulgent, à l’endroit des armées allemandes, qu’il paraît l’avoir été lors de sa première « visite sur le front. »