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LA GUERRE EN FLANDRE
VUE PAR UN JOURNALISTE AMÉRICAIN


I

La guerre européenne n’est pas encore finie, et cependant la littérature qu’elle inspire garnirait déjà une vaste bibliothèque. Les quotidiens de toute nature publient une foule de journaux de marche, tandis que les écrivains rassis livrent aux méditations des lecteurs des œuvres plus objectives dont le genre va de l’Histoire générale aux Commentaires de Polybe. Enfin, les gouvernemens eux-mêmes éclairent et guident l’opinion avec des rapports officiels que distillent d’impartiaux enquêteurs. Mais les auteurs de journaux de marche ne décrivent guère que les épisodes locaux où se dépense leur ardeur ; les historiens ne jugent que sur pièces hâtives, et leurs documens, tout comme les grades, seront après la tourmente sujets à révision. Quant aux rapports des Commissions d’enquête, ils attisent les sentimens belliqueux et la haine contre l’envahisseur ; ils sont éloquens et précis, ils donnent du relief aux conséquences horribles de la guerre, mais ils ne sont que les procès-verbaux de crimes encore impunis.

Les correspondans militaires, seuls, peuvent avoir en principe une vue d’ensemble, contemporaine des événemens. Jusque vers la fin du dernier siècle, ils formaient une corporation de spécialistes que les journaux puissans, les revues riches se disputaient à prix d’or. Dès qu’un conflit, quelque part dans le monde, mettait des armées en présence, ils accouraient pour observer et décrire au jour le jour. Ils étaient actifs,