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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/109

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Dans la lutte que Strasbourg engagea contre la domination oppressive de Charles-Quint, elle n’a pu trouver qu’en France l’appui indispensable, et l’on peut dire que ses sympathies pour notre pays croissaient à proportion de ses antipathies contre les Habsbourg.

Un rapprochement plus étroit encore avec Henri IV devint pour la cité républicaine une question de vie et de mort, lors de la guerre des évêques en 1592, et ce rapprochement inaugura une politique de confiance mutuelle, qui avait atteint son point culminant au moment de la mort du Béarnais. Nous verrons quel essor avait pris alors la culture française en Alsace.

Pendant la guerre de Trente Ans, la France eut alternativement à prendre en main la cause des catholiques contre les Suédois et des protestans contre les Impériaux, et elle joua en définitive un rôle dont toute l’Alsace lui sut gré. Les relations devenaient du reste de plus en plus actives et de plus en plus soutenues.

Dès 1630, la France fut représentée d’une façon permanente par un agent diplomatique, qui devint un centre de rayonnement et un foyer de francisation. Il rallia à la cause française des personnages de tout rang, des bourgeois et des nobles ; il accrut le nombre des partisans de marque que, depuis bon nombre d’années, la Cour de France comptait en Alsace, et desquels je veux détacher la curieuse figure d’un secrétaire du Conseil des xv, Josias Glaser[1]. La mission secrète, — à Paris, pour négocier un emprunt, — dont il fut chargé par le magistrat, en juillet 1631, est, me semble-t-il, du plus vif intérêt pour mon sujet. Non seulement elle nous apprend quels serviteurs la cause française avait dès alors dans la bourgeoisie alsacienne ; mais, en nous les montrant à l’œuvre, elle fait apparaître à tous les yeux les affinités de l’esprit alsacien et de l’esprit français.

Écoutons-le, cet envoyé de Strasbourg, quand il raconte ses rapports personnels avec le roi de France ou ses ministres. Pour cela, suivons-le à la Cour, au château de Monceaux. Il va être présenté au Roi, il a préparé le petit compliment qu’il doit lui adresser. Il l’a préparé en français, bien que, dit-il, on lui eût permis de se servir de la langue latine. Il est moins allemand que ne le croit Louis XIII, car le Roi, sitôt qu’il l’aperçoit, lui

  1. R. Reuss. Josias Glaser et son projet d’annexer l’Alsace à la France en 1639. Mulhouse, 1869. — Une mission française à la Cour de Louis XIII. Paris, 1900.