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ajoute : « Le nombre est considérable de ceux qui ont séjourné plus ou moins longtemps en France comme touristes, commerçans, étudians, etc. »

De retour dans leur pays, ces voyageurs continuaient à encourager l’étude et à répandre la pratique du français, qui se conservait, d’autre part, malgré les obstacles nés des rivalités confessionnelles, par le prêche en cette langue.

L’Église française calviniste du xvie siècle avait survécu, en effet, sous des formes officieuses diverses, a la proscription dont l’avait frappée la réaction conduite par le Souabe Marbach. Elle s’était réorganisée au xviie siècle dans le voisinage immédiat de Strasbourg, à Wolfisheim, et, détail piquant, c’est un de ses adhérens qui, en 1655, traduisit le Cid en allemand.

Il en fut ainsi avant la réunion de Strasbourg à la France.

Or, que voyons-nous après cette réunion ? En 1686, l’intendant de la province d’Alsace, M. de La Grange, met comme condition au maintien de la paroisse réformée de Wolfisheim que le ministre ne sache pas la langue françoise. Cette interdiction avait pour but évident d’écarter du culte réformé les Français immigrés. Mais n’est-il pas étrange de constater, selon la remarque de M. Reuss, que le Grand Roi travaillait à germaniser ses sujets ? Et nous pouvons noter une résistance analogue, en 1716, du préteur royal, M. de Klinglin, à l’ouverture d’une école luthérienne française.

De tels faits contribuent, ce me semble, à montrer quelle large part la prédisposition, les affinités naturelles ou acquises, ont eue dans l’intime union de l’Alsace et de la France.

Il a été dit maintes fois que l’Alsacien a le cœur sur la main. C’est un éloge mérité. Mais dans un pays aussi disputé que le sien, en proie aux convoitises, victime de tant d’assauts, la réserve est une autre qualité inhérente à sa nature. De là cette difficulté si grande de pénétrer jusqu’au tréfonds de son caractère, et tant de jugemens incomplets portés sur lui, de droite ou de gauche.

Les mémoires d’un Parisien du xviie siècle peuvent nous le rendre sensible. Ils se rapportent à des séjours successifs qui forment un trait d’union entre l’Alsace d’avant et celle d’après la réunion définitive à la France[1]. Commissaire des fermes

  1. Mémoires de deux voyages, et séjours en Alsace, 1674-76 et 1681, par L D L