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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/137

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moins recommandables du caractère germanique, en même temps qu’il poussait leurs intellectuels à prôner la force allemande. En se combinant sous l’influence de cet orgueil, cette philosophie et ces instincts ont composé, en lin de compte, un produit nouveau, — le germanisme, — qui est l’affirmation de la supériorité allemande dans tous les domaines.

Concentrant en lui les bonnes comme les mauvaises inclinations du tempérament teuton, — les meilleures étant mises au service des pires, — le germanisme s’est nourri, par surcroît, de tout ce qu’il a pu et voulu discerner de grandeur dans un passé qu’il tient pour garant de l’avenir qu’il s’attribue.

Aussi bien, si le germanisme, qui concrète l’orgueil démesuré des Allemands d’aujourd’hui, est nouveau, l’orgueil ne l’est point chez eux. L’infatuation que tout Allemand éprouve de lui-même et qui le porte, en quelque matière que ce soit, à préférer sa solution à toutes les autres, se retrouve dans la haute opinion qu’il a toujours eue de sa race. L’Allemagne ne paraissait-elle pas à Kant « destinée à recueillir ce que les autres nations avaient produit de meilleur pour se l’assimiler ? » C’était l’avis de Schiller : « L’Allemand, écrit-il, doit chercher à parvenir au plus haut sommet. C’est à lui qu’il est réservé d’atteindre à la fin suprême d’achever en soi l’humanité, au but le plus beau qui est de réunir en une couronne tout ce qui fleurit chez les autres peuples. » N’est-ce pas la même foi dans les destinées de la race que trahissent ces paroles de Fichte ? « Le quatrième âge de l’humanité commence, s’écrie-t-il. Ce sera l’âge de la Science. L’Allemagne est le ministre de la Science. » Pour Schelling, enfin, son destin est le destin même de l’humanité.

Pendant ce temps, les romantiques, y compris Wagner, retrouvaient les dieux de la terre allemande, incarnations des forces naturelles dont la Germanie leur paraissait devoir être l’interprète désignée parce que, plus près de la nature que les autres pays, seule elle a su entendre ce que susurre le murmure de l’eau, ce que chuchotent les arbres dans les forêts, ce que racontent les bêtes à ceux qui ont le pouvoir de les interroger. Panthéiste de tempérament, la race et la terre allemandes leur semblaient participer de la puissance des forces naturelles, comme elles éternelles et comme elles sacrées. A en croire Schlegel, avec le sentiment du divin l’Allemagne seule aurait