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détachemens mis à leur disposition par les commandans français. Un combat acharné s’engagea, pendant lequel le cadet des Massauve, emporté par son courage et par son affection pour son frère, se précipita contre les ennemis avec tant d’ardeur qu’il ne put revenir à temps vers son monde et qu’il fut blessé et fait prisonnier. Et pendant qu’à la faveur du combat, Massauve et la belle comtesse réussissaient à gagner du terrain et à se mettre en sûreté, le malheureux jeune homme, victime de son dévouement fraternel, était ramené à Cologne, condamné à mort et exécuté ; sa tête, fixée au bout d’une lance, demeurait exposée au-dessus de la porte Saint-Séverin, par laquelle les ravisseurs étaient sortis de la ville. On dit que la mère de Massauve ne pardonna pas à son fils aîné d’avoir causé, par son égoïsme et son amour insensé, la mort de son jeune frère et qu’elle ne voulut jamais le revoir.


II

La moitié de la besogne était seule terminée ; il fallait maintenant rendre sûr l’asile que l’on avait trouvé dans les terres du roi de France et, pour cela, il était nécessaire d’imaginer un moyen quelconque de paraître tenir les promesses faites par Massauve au sujet de la forteresse d’Ehrenbreitstein.

Massauve se mit donc en rapports avec un individu nommé Lafleur, qui avait quelques connaissances en artillerie et qui, « muni de lettres de recommandation écrites par d’influens personnages de la Lorraine, s’en vint trouver le commandant d’Ehrenbreitstein, pour solliciter l’emploi, alors vacant, de maître arquebusier de la place. Il l’obtint effectivement. A peine installé dans ses fonctions, cet homme, comme le prouva l’enquête faite postérieurement, sema habilement de l’argent parmi ses subordonnés, en leur donnant à entendre que le hasard pourrait faire qu’il eût un jour besoin de mettre leur reconnaissance à l’épreuve. Chargé de la direction des travaux dans l’intérieur de l’arsenal, il y travaillait, suivant son habitude, avec deux hommes sous ses ordres, dans le courant de janvier 1642, lorsque cinquante quintaux de poudre, emmagasinés dans la partie supérieure de la tour où se trouvait