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i2 REVUE DES DEUX MONDES. :

blanches comme la neige : grands lys pâles et odorans, roses épanouies d’un blanc laiteux, campanules le’gères dont les calices de cire fre’missaient agités par la brise, comme si une bande de lutins eût pris ses ébats au milieu des tiges sveltes. C’est là que, durant de longues heures, entourée des vagues azurées de la mer, reposait Minola, la pâle petite Reine. Le trône était si profond qu’une pile de livres précieux, reliés ^en vélin blanc gemmé de perles, pouvait encore trouver place à côté du petit corps émacié.

Paisiblement blottie dans la somptuosité des étoffes sur lesquelles reposent ses membres délicats, la petite souveraine tourne les pages enluminées où sont retracées de merveilleuses aventures que jamais elle ne connaîtra.

D’innombrables mouettes volètent autour de l’auréole des cheveux d’or. Elles tournoient avec de joyeux cris d’amour et de bienvenue et tracent de leurs grandes ailes un réseau de rayons lumineux sur le ciel de lapis.,

Minola leur tend ses deux mains pleines de miettes, que les farouches oiseaux viennent picorer délicatement pour épargner une meurtrissure aux doigts menus qui leur off’rent la becquée. La voix de Minola est douce, claire et vibrante comme le cristal d’une source. Du haut de son nid suspendu au roc, elle chante d’harmonieuses mélodies aux oiseaux fascinés et ses vêtemens d’une blancheur liliale, soulevés par le vent marin, flottent autour d’elle comme un tourbillon neigeux. Heures de calme et de sérénité étrangement solitaires pour une enfant si jeune, mais ce corps frêle et délicat recelait une âme d’artiste, une âme avide de sons, de couleurs et de contemplation.

Cependant, Minola songeait toujours au cheval blanc tant souhaité ; chaque jour plus anxieuse, elle scrutait le visage ridé du vieux Gaminosoff avec la question suspendue à ses lèvres enfantines, car, sous la dignité du maintien royal, Minola contenait les battemens de son petit cœur ardent. Elle n’interrogeait point l’aimable vieillard, dans la crainte de le chagriner par son impatience, car elle savait qu’il avait envoyé des messagers dans tous les pays du globe à la recherche du cheval de ses rêves, mais vaines étaient restées jusqu’ici toutes les tentatives. L’un après l’autre, les messagers étaient revenus, la mine déconfite ; les chevaux recueillis étaient si loin de la