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XXe siècle une influence décisive : Babel und Bibel ont attiré les financiers et les ingénieurs allemands du Bagdad, les fouilles des archéologues allemands et le rêve impérial d’une colonisation mésopotamienne ; Babel und Niniv ont fourni aux maçons allemands les motifs et les partis pris de celle architecture entassée, dont notre snobisme commençait de déshonorer nos quais et nos boulevards ; jadis, en imitant Paris, l’Allemagne avait fabriqué son rococo du XVIIIe siècle ; aujourd’hui, elle fabriquait une sorte de rococo assyrien ou babylonien.

C’est aussi dans les inscriptions de Ninive que l’on trouverait peut-être les termes les plus justes pour bien décrire certains états d’âme du troisième Hohenzollern, ses féroces combinaisons de profits et de guerre, ses méthodes d’accaparement et de massacres : au nom de leur vieux Dieu, les Guillaume de Ninive, douze et quinze siècles avant le christianisme, égorgeaient déjà les prisonniers, mutilaient les vieillards, les enfans et les femmes, coupaient les oreilles, les seins, les nez, les pieds et les mains et tendaient de peaux humaines les murailles des villes rendues…

C’est en guerre et à l’égard de ses ennemis que le troisième Hohenzollern a été le meilleur disciple de ces vieux maîtres levantins ; en paix, à l’égard de son peuple, il s’est contenté de « sémiliser » un peu les théories et les pratiques du Saint-Empire romain-germanique et de copier ce Charlemagne qui, lui-même, dans l’intimité, se faisait volontiers appeler David. Il n’a pas rendu Charlemagne à la chrétienté d’Occident. Mais je crois que les historiens reconnaîtront en lui un type de Germain métissé de maritime et influencé de sarrasin, dans le genre de ce Frédéric II de Hohenstaufen, de ce petit-fils avantageux du grand-père Barberousse, histrion couronné que son rêve méditerranéen, sa fréquentation de l’Islam et sa folie de parades perpétuelles conduisirent à de si criminelles folies envers la communauté chrétienne et la morale humaine.

Le Pape écrivait aux Carolingiens : « Vous êtes une famille sainte, vous êtes un royal sacerdoce, » et les évêques carolingiens, en sacrant leur roi, l’oignaient « de cette huile de la grâce du Saint-Esprit, dont le Seigneur jadis oignit ses prêtres, ses rois, ses prophètes et ses martyrs. » Guillaume II, ayant eu le sacre en intention, s’est tenu pour prêtre et prophète autant