Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hâtait pas. Ses livres sont imparfaits ; et il le savait, sans chagrin. Ni l’Elève Gilles ne mérite le nom de chef-d’œuvre, ni la Maison sur la rive ne marque beaucoup plus de maîtrise. Je ne sais pas et je crois impossible de deviner le tour que cette pensée allait prendre, les ressources dont elle eût disposé bientôt, l’épanouissement qui l’attendait. Tout cela tombe dans le vain mystère. Mais André Lafon laisse après lui une esquisse jolie, élégante, et de laquelle se dégagent finement les lignes principales de sa méditation, de son espoir et de sa volonté. Ou bien, il préludait ; et la phrase de sa mélodie n’a pu se développer : du moins, les notes que nous avons entendues demeurent dans notre mémoire. Notes pures, qui n’ont pas vibré fortement, qui n’offensaient pas le silence, qui ne l’ont pas interrompu et qui naissaient de lui comme d’un cristal à peine touché.

La Maison pauvre, intitulée « poème, » est plutôt un recueil de poèmes. Ils ne dépendent pas les uns des autres. Pourtant, ils se réunissent bien ; et, dans leur suite, on aperçoit les divers momens d’une aubaine qui s’est évanouie : d’abord, la solitude ; puis une tendresse ; et puis, la tendresse partie, la résignation se fait, parmi des prières. Ce sont les poèmes d’une saison, d’une ou deux années. Un drame du cœur ? Non ; et, ici comme dans les romans d’André Lafon, nul drame : une très discrète douleur, et sage ! Des journées se succèdent, celles-ci porteuses de joie, celles-là de regret, les unes et les autres sans tumulte. Elles défilent paisiblement, ne se bousculent pas et, devenues des souvenirs, se rangent dans le même ordre où elles sont arrivées, où elles ont été accueillies. André Lafon a composé de même ses romans. Il ne préparait pas ses épisodes et ne veillait point à les faire éclater. Il ne machinait pas la vie : il l’acceptait avec humilité.

Dès ce petit volume de la Maison pauvre, il est tel que plus tard. Il aura plus tard une conscience plus nette, je ne veux pas dire, de sa philosophie, mais du sentiment auquel il s’abandonne et de la croyance à laquelle il confie son aventure. La croyance et le sentiment sont dans ses premiers vers, mêlés à quelques influences de récente littérature, à du Verlaine par endroits, et à du Francis Jammes très souvent. Peu importe ! et André Lafon n’était point assez habile pour imiter le mieux du monde la savante ingénuité de Sagesse et de Clara d’Ellébeuse. Sa vraie ingénuité le préserva. Il n’évita pas toujours le style pittoresque de son temps ; et il écrivait, à l’occasion :


Le soir tombe ; la route allonge un geste pâle…


Ce n’est rien ; et, lors de son adolescence, il lui aurait fallu, pour