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diplomatique, autant le côté militaire, technique de la tache m’était étranger. Je ne connaissais ni la manière de les satisfaire, ni la forme dans laquelle les États réglaient leurs rapports dans des conditions pareilles. On me promit de Pétersbourg de m’envoyer à ce sujet des instructions à Odessa, et un officier d’état-major devait m’être attaché pour m’instruire dans la partie militaire.

Je trouvai en effet en arrivant à Odessa une dépêche du ministère qui me prescrivait de m’entendre avec le commandant des troupes de la circonscription militaire d’Odessa, le général Séméka, et avec le grand-duc qui devait incessamment arriver à Kichineff pour y installer son état-major. Et pour m’aider, le colonel d’état-major, prince Michel Cantacuzène, devait m’accompagner à Bucarest. Ce choix était, sous tous les rapports, parfait. Homme charmant et instruit, connaissant les langues étrangères et ayant des relations de parenté en Roumanie où il avait fait des séjours prolongés, le prince Cantacuzène avait en outre l’avantage d’avoir été employé dans la section de transport des troupes et était par conséquent familiarisé avec ce côté si important des mouvemens d’une armée en campagne. Mais lui aussi n’avait jamais vu de convention militaire de ce genre et ne savait pas ce qu’elle devait renfermer. Du ministère on m’envoya deux anciennes conventions, l’une de 1848 avec l’Autriche, l’autre du commencement du siècle, également avec l’Autriche, je crois, et qui toutes deux étaient absolument inapplicables aux conditions toutes différentes de la guerre présente. J’espérais recevoir un « projet » de convention, une ébauche, -un canevas : je n’eus rien, et nous dûmes, le prince Cantacuzène et moi, l’inventer et la dresser nous-mêmes de toutes pièces.

Pour le côté politique, l’ordre du ministère était catégorique ; je n’avais pas à m’en occuper et devais décliner toute discussion ou conversation à ce sujet. Mais c’était plus facile à dire qu’à exécuter. Ce n’est pas moi qui chercherais ces entretiens, mais je ne pourrais pas empêcher les Roumains de vouloir, avant de s’engager, savoir à quoi ils s’exposaient. Mes appréhensions se sont trouvées fondées.

Commençant donc mon travail a Odessa même, je me rendis d’abord chez le général Séméka. Mais il me dit que les informations les plus utiles me seraient données par M. Ahrens