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de comprendre pourquoi. Les événemens politiques ont une gravité qu’il est tout d’abord superflu de signaler. En outre, le loyer des capitaux s’est élevé brusquement, et, précisément, la hausse normale des blés en avril et mai est justifiée par l’intérêt des capitaux que le froment représente, capitaux immobilisés depuis la récolte, risqués, et devant recevoir une rémunération après six mois d’attente !

Quelles seront, demain, les variations nouvelles de la cote, et peut-on redouter vraiment une hausse qui imposerait des sacrifices accablans aux consommateurs pauvres ?

A cet égard, les nouvelles sont fort rassurantes et ne justifient nullement des mesures révolutionnaires comme celles dont nous allons bientôt parler. Les prix baissent aux Etats-Unis. La récolte de 1915 sera probablement plus belle encore que celle de 1914, déjà excellente. Les Américains du Nord sont trop avisés pour ne pas avoir compris qu’il fallait augmenter rapidement les surfaces cultivées en blé et profiter ainsi des hauts prix. Pour les seuls fromens d’hiver, nous savons que la superficie emblavée a augmenté de 11 pour 100. Au Canada, elle s’est accrue de 9 pour 100. Aux Indes, elle a augmenté d’un cinquième. En France même, malgré les difficultés énormes que présentaient la préparation du sol et les semailles à l’automne dernier, nous savons que la surface ensemencée dans les départemens non envahis n’a pas été réduite de plus de 5 à 6 pour 100. Les pronostics relatifs à la récolte étant excellens, il est fort possible que la moisson de 1915 soit aussi bonne et aussi abondante que celle de 1914. Nous avons donc les plus sérieuses raisons de croire que le cours des blés va diminuer en France au lieu de s’élever encore…

Et cependant, une note officieuse du gouvernement annonçait, en mai dernier, qu’il avait pris la résolution de réquisitionner les blés, d’en monopoliser le commerce et de fixer à 32 francs par quintal le prix versé uniformément aux détenteurs quels qu’ils fussent, négocians ou cultivateurs. Quels motifs ont pu dicter aux pouvoirs publics une résolution aussi grave et aussi révolutionnaire ? Quelles seront, d’autre part, les conséquences de ces mesures ? C’est ce que nous allons nous demander.