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ans plus tard, en juillet 1686, les filles de Noisy se transportaient solennellement, dans les carrosses du Roi, sous l’escorte des Suisses, vers les magnifiques bâtimens que Mansard venait d’élever pour elles à Saint-Cyr. « Sitôt que nous entrâmes dans la maison, » disent les Dames de Saint-Cyr, « elle nous présenta l’image du paradis terrestre… »

En prévision de cet événement, depuis un an environ, Mme de Maintenon avait choisi parmi les demoiselles de Noisy les plus instruites et les plus vertueuses, pour former la nouvelle communauté qui dirigerait la maison de Saint-Cyr. Elle leur adjoignit quelques personnes du dehors ; elle leur fit faire un noviciat spécial, sous la direction de l’abbé Gobelin et de Mme de Birinon. Le 2 juillet 1686, les douze novices firent profession, en s’engageant seulement à des vœux simples, et reçurent des mains de Mme de Maintenon le manteau, le voile, la croix des Dames de Saint-Louis.

Mme de la Maisonfort les suivit à Saint-Cyr. Mais sans doute le mot de Mme de Maintenon demeurait vrai : « Quel dommage qu’elle n’ait pas la vocation ! » — car elle ne faisait pas partie du nouvel Institut.

Elle suivit les Dames, car elle leur était indispensable. En moins d’un an, sans se montrer trop difficile, on avait improvisé des religieuses ; mais on n’avait pu former des maîtresses de classes. Très jeunes et assez ignorantes, les Dames étaient incapables d’instruire même des enfans de douze ans. Mme de la Maisonfort prêta ses lumières. Elle fut la maîtresse des grandes, et peut-être aussi des maîtresses. Avec Mme de Maintenon, qui ne s’épargnait point, mais qui devait veiller aussi bien aux cuisines, aux infirmeries, à la lingerie, à la roberie, qu’à tout le reste, elle porta le poids de cette improvisation brillante et un peu hasardeuse. Elle fut l’instrument providentiel, qui se prêtait à tout, et qui réussissait partout. Elle avait l’entière confiance de la « Supérieure spirituelle ; » une grande liberté, ce qui lui plaisait ; et peut-être un peu trop d’indépendance, ce qui lui allait à ravir. Elle fut là, pendant deux années, à une école un peu dangereuse pour elle. Rien ne l’attachait à la maison ; il fallait donc l’y retenir. On la flattait, on la ménageait ; car, outre qu’on avait besoin de ses services, on n’avait pas abandonné l’espoir de lui en demander de plus grands encore.