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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/417

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correctifs. Quand vous le jugerez à propos, j’expliquerai à fond… les cas dans lesquels les maximes de mes écrits, quoique vraies et utiles en elles-mêmes pour certaines gens, deviennent fausses et dangereuses pour d’autres à l’égard desquels elles sont déplacées. Je marquerai aussi les bornes qu’elles doivent avoir pour les personnes mêmes à qui elles conviennent davantage… Il y a longtemps que j’ai eu l’honneur de vous dire, madame, non seulement qu’on pouvait abuser de ces maximes, mais encore que je savais très certainement que plusieurs faux spirituels en abusaient d’une étrange façon.

« Peut-être que, moi qui parle, je suis plus prévenu qu’un autre, et que je favorise trop une spiritualité extraordinaire. ! Mais je ne veux en rien pousser la spiritualité au-delà de saint François de Sales, du bienheureux Jean de la Croix, et des autres semblables que l’Eglise a canonisés dans leur doctrine et dans leurs mœurs… Enfin, je voudrais tout examiner, faire expliquer rigoureusement jusqu’aux moindres choses susceptibles de deux sens, laisser peu de choses écrites pour le public, tenir surtout les femmes pieuses et les filles de communauté dans une grande privation des ouvrages de spiritualité élevée, afin que la simple pratique et la pure opération de la grâce leur enseignât ce qu’il plairait à Dieu de leur enseigner lui-même…, « Voilà, madame, devant Dieu, ce que je pense. Mme de la Maisonfort ne me doit pas croire, si elle ne me croit quand je parle ainsi. Quand je la verrais en secret, je ne lui dirais pas ces vérités moins fortement que je le fais par cette lettre, et que je l’ai toujours fait quand je l’ai vue seule à seul. »

Qui nous permettrait de ne pas l’en croire ? Nous n’avons pas besoin de connaître par d’autres témoignages la direction qu’il dut donner à Mme de la Maisonfort : elle est là tout entière, avec sa haute liberté, sa prudence, sa fermeté, sa sévérité. Si elle fit du mal à Mme de la Maisonfort, ce fut par la faute de la dirigée plus que du directeur. Et si Fénelon peut s’accuser lui-même, dans un excès d’humilité, il est le seul, en tout cas, qui en ait le droit.

Il ne nous appartient pas davantage d’examiner ici quelle était au juste l’« oraison » de Mme de la Maisonfort, ni de la suivre dans les difficultés qu’elle proposa, deux ans plus tard, à Fénelon, sur quelques articles des Conférences d’Issy. Laissons entre eux, laissons entre elle et Dieu, ces secrets ineffables.