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On croit que là même sa vieillesse ne trouva pas un suprême asile.

Ainsi, de plus en plus, cette vie va s’enfonçant dans les ténèbres et la tristesse. Les échos qui nous en parviennent encore sont intermittens et douloureux. Nous ne savons pas où Mme de la Maisonfort mourut, ni à quelle date. Peut-être pourrait-on le rechercher, mais à quoi bon ? Ce silence où sa vie se perd est l’image la plus forte d’une destinée qui faillit à toutes ses promesses.

De cette faillite, assurément, Mme de la Maisonfort fut responsable la première. Le reconnaître, ce n’est pas lui refuser notre pitié. La fortune lui sourit, l’attendit ; elle lui manqua. Une âme plus vulgaire, ou plus habile, en eût profité. Un peu d’ambition lui eût suffi pour dominer ses défauts, répondre à la faveur de Mme de Maintenon, soutenir après elle la maison de Saint-Cyr et « servir à un grand ouvrage. » Chose curieuse, cette âme à qui l’on a tant reproché sa hauteur n’eut aucune ambition proprement humaine. Mme de la Maisonfort fut la victime de ses qualités autant que de ses défauts. Trop de franchise dans le caractère, trop de délicatesse dans l’esprit, lui nuisirent. Elle fut fidèle à Fénelon comme Fénelon fut fidèle à Mme Guyon ; et l’un et l’autre se perdirent. Elle fut une femme charmante, noble, supérieure par certains côtés ; mais incomplète, faible, hésitante, passionnée, et à tout prendre fort malheureuse.

Et il faut bien en venir à une question qui nous hante : que fût-elle devenue dans le monde ? Mme de Maintenon lui écrivait un jour : « Ne vous repentez pas du parti que vous avez choisi… Vous auriez eu plus de plaisirs dans le monde ; et, selon les apparences, vous vous seriez perdue. Ou Racine, en vous parlant du Jansénisme, vous y aurait entraînée ; ou M. de Cambrai aurait contenté ou même renchéri sur votre délicatesse, et vous seriez quiétiste. Jouissez donc du bonheur de la sûreté… » Peut-être avait-elle raison. Mais elle rétrécit un peu la question. Oui, bien des périls attendaient Mme de la Maisonfort dans le monde. Cette vivacité de sa nature, qui s’élançait vers tout ce qui la flattait ; ce besoin d’être aimée, qui résista à vingt ans de vie mortifiée ; cette inquiétude morale qui semble une première image du tourment romantique : voilà, sans parler du Jansénisme, bien des raisons de souffrir ! Le monde ne lui eût pas