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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/475

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XXe siècle, où ils sont appelés à jouer un rôle encore mal défini, mais dont les caractères principaux commencent à apparaître crûment. Les choses iront ainsi jusqu’au jour où, à force d’attendre et de temporiser, un des profonds et subtils politiques dont l’espèce pullule aujourd’hui se perdra dans ses calculs et finira par ne rien avoir : et cela arrivera un jour ou l’autre.

Nous avons parlé de la Roumanie, il y a quinze jours ; nous avons dit quelles étaient ses prétentions. Parlons aujourd’hui de la Bulgarie. La Bulgarie qui, au début de la guerre, se cantonnait fermement dans la neutralité, ne se montre plus aussi résolue à ne pas en sortir. Elle en sortira… peut-être… mais à quel prix ? M. Ghenadief veut bien nous le dire, et, certes, le fait est imprévu. Il y a quelques semaines à peine, M. Ghenadief, qui est le chef du parti stambouloviste, hostile à la Russie, favorable à l’Autriche, prêchait la neutralité, et il semblait que, s’il devait en sortir un jour, ce ne serait pas au profit des Alliés. Au cours d’une mission un peu mystérieuse qu’il a faite à Rome et dont nous avons parlé alors, ses tendances ont paru être du côté des Empires du Centre. Mais M. Ghenadief est un homme intelligent, dénué de préjugés, observateur attentif : la lumière s’est faite subitement dans son esprit et il n’a plus douté que la victoire finale serait du côté de la Triple Entente, devenue la Quadruple Entente avec le concours de l’Italie. Il connaît bien cette dernière ; son exemple a sans doute agi sur lui. Il a pensé que l’Italie ne marchait pas sans avoir de bonnes raisons de le faire et, ces raisons, il les a pressenties, devinées, comprises ; elles l’ont déterminé lui-même. C’est au correspondant du Mattino à Sofia que M. Ghenadief a fait ses confidences. Il a commencé par établir combien l’attitude de la Roumanie diffère de celle des autres États balkaniques. « Notre attitude, dès le début du conflit, a été, dit-il, d’une franchise absolue. Lorsque les Alliés, croyant que l’appui de la Grèce et de la Roumanie pouvait résoudre la question balkanique, nous demandèrent notre neutralité, nous la promîmes, et nous l’avons maintenue. La Grèce et la Roumanie, au contraire, crièrent à tue-tête : « Nous sommes prêtes, nous partons à l’instant ! » et elles n’ont pas marché, et je crois qu’elles ne marcheront pas. Les Grecs et les Roumains sont avec les Alliés, mais l’Allemagne conserve des alliés parmi eux et ces alliés sont forts. Ils ont chassé M. Venizelos, un homme supérieur auquel plus tard on élèvera des statues. Au moment opportun, la Grèce a refusé de suivre la politique de M. Venizelos. Du reste les Grecs n’ont privé les Alliés que de