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sans les suivre ; nous croyions déjà, naïfs, qu’ils se battraient sans nous.

Puis continua l’organisation des échelons : ce fut difficile, car les corvées, très nombreuses, n’avaient pas le don de charmer nos bons réservistes, qui « se défilaient en douce, » sans qu’on pût les retrouver ; avec beaucoup d’énervement… et de bonnes paroles, nous arrivâmes à tout arranger. D’ailleurs, avant son départ, le capitaine nous avait très simplement adressé quelques mots d’encouragement, faisant appel à notre bonne volonté.

Toute la journée du dimanche fut consacrée à l’établissement des attelages et au roulage de voitures, ainsi qu’à l’équipement des hommes ; maintenant, nous étions sûrs de la guerre, car la France avait déclaré la mobilisation générale : cela nous donna encore plus d’entrain, et tout alla bien.

Le lundi matin (3 août), on acheva l’équipement des voitures, et on prépara l’embarquement pour le soir.

A 19 heures, départ du quartier, sans aucune émotion ; je ne pensais qu’à l’embarquement des vingt-sept chevaux. Avec deux conducteurs de l’active, je m’acquittai de cette tâche sans encombre. Malgré tout, j’étais vanné, et c’est avec joie que je pus m’installer dans notre wagon à bestiaux aménagé, à côté de ce vieux T.,., le cuisinier, un brave camarade de ma classe, circonstance qui nous rapprochait d’autant plus que nous étions avec des réservistes inconnus pour nous.

Au bout d’un moment, le train partit : ça y était !


II. — VERS LA FRONTIÈRE

Il mit longtemps avant de passer la gare de Troyes-ville ; nous attendions ce moment avec impatience, afin de nous munir au buffet de quelques victuailles… J’y trouvai juste un verre de bière ! Il y avait là une foule de soldats et de mobilisés, attendant leur train, du plus curieux aspect ; cela faisait un peu peur d’en voir tant !

Nous repartîmes, restant éveillés pour nous rendre compte de la direction du convoi ; mais, après Brienne, nous dormions tous profondément. La température était agréable, et nous étions si fatigués !… A notre réveil, vers les 4 heures (mardi 4), nous nous trouvions aux environs de Bologne, sur la ligne