Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/604

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vers le 9 septembre, commença une série d’averses qui nous obligèrent à construire des cahutes en terre et gazon, toiture en feuillages et couvertures pour nous garantir de la pluie. Jusqu’alors, la douceur de la température nous avait permis de coucher sur de la paille, enveloppés dans nos manteaux et nos couvertures de cheval, et on était très bien ; mais avec la pluie, vinrent les ennuis. Nos abris, insuffisans, laissaient filtrer l’eau qui, peu à peu, nous pénétrait jusqu’à la peau, et il fallait attendre le « jus » du malin pour se sécher au feu. Il eut été, en effet, d’une imprudence extrême de nous signaler à l’ennemi, la nuit, par la moindre lumière.

Je n’étais pas guéri de ma maladie ; le froid et l’humidité eurent vite fait de provoquer une rechute, et notre médecin de groupe me dit qu’il était nécessaire de me reposer pendant quelque temps, au train régimentaire. Je quittai mon service que je me sentais vraiment incapable d’assurer plus longtemps. En passant, je dirai que nos médecins, — tous deux mobilisés, — s’occupaient de nous avec un grand dévouement et que nous n’avons eu qu’à nous louer de leur gentillesse. Ai-je besoin d’ajouter que, malgré les occasions nombreuses, il n’y avait jamais de faux malades, de « tire-au-flanc ? » Quelle différence avec le quartier où les « consultans » se présentaient en rangs épais à la visite, arborant des mines épouvantables pour la circonstance !…


VII. — AVEC LE TRAIN REGIMENTAIRE

Le train régimentaire se compose des fourgons et autres voitures de ravitaillement et d’un autre fourgon à bagages, contenant les sacs des blessés évacués à l’arrière et des malades, ou simplement des hommes envoyés là pour se reposer.

Je profitai d’un fourgon du ravitaillement pour le rejoindre à Flavigny, le samedi 12 ; ce jour-là, nous étions heureux, car on nous avait apporté la confirmation d’une grande victoire française sur la Marne. Nous voyions déjà les Allemands hors de France ! Nous avions pu constater, de notre côté, les effets de ce succès à un ralentissement du feu ennemi et à un retrait progressif de leurs troupes vers l’Est, qui semblaient de bon augure.

A minuit, par une pluie battante, nous arrivâmes à Flavigny