Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prolongement de la civilisation française[1]. Au Moyen Age, les grands centres d’enseignement étaient en France, en Italie, en Angleterre, et les maîtres réputés de cette époque, qui sont d’origine allemande, comme Albert le Grand, ont étudié et enseigné en France et en Italie. Au XIVe siècle, comme il résulte des belles études de M. Duhem sur la Science au Moyen Age, il y eut à l’Université de Paris une vive réaction contre la physique et la mécanique d’Aristote ; à ce mouvement se rattache le nom de Buridan, dont les vues sur la dynamique contenaient en germe le principe moderne de la conservation de l’énergie. Presque tous ceux qui dissertent sur la mécanique sont, au XIVe et au XVe siècle, des disciples de Buridan ; au premier rang de ceux-ci figure Nicole Oresme, véritable précurseur de Copernic, dont les idées sur le mouvement des corps célestes devançaient de beaucoup son temps, et qui fut aussi un précurseur de Descartes en géométrie analytique. Parmi les savans du début du XVIe siècle, on doit compter Léonard de Vinci, dont l’œuvre théorique se rattache d’ailleurs aux doctrines de l’Université de Paris. Nous arrivons alors au grand développement des mathématiques et de la physique à l’époque de la Renaissance. Les noms de Copernic, Viète, Tycho-Brahé, Stevin, Galilée, tiennent une place considérable dans l’histoire de l’astronomie, de l’algèbre, de la statique et de la dynamique. Un seul nom allemand se présente ici à nous, mais un des plus glorieux de l’astronomie, celui de Kepler, qui abandonne les mouvemens circulaires ou leurs combinaisons pour représenter les trajectoires des astres, et, utilisant les observations de Tycho-Brahé, découvre, après dix-huit années de pénibles et laborieux calculs, les lois célèbres relatives aux planètes.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, nous trouvons un nouvel apogée de l’influence française en Allemagne. Dans l’histoire des sciences mathématiques et physiques, la France et l’Angleterre tiennent alors sans conteste la première place. On a beaucoup écrit sur la priorité de Newton et de Leibniz comme inventeurs du calcul infinitésimal. La question des algorithmes employés par ces deux grands géomètres est certes de grande importance,

  1. Sur l’histoire de l’influence française en Allemagne, on peut consulter un livre remarquablement documenté de M. L. Raynaud (Histoire générale de l’influence française en Allemagne, Hachette, 1914, 1. Ce livre a paru avant la guerre actuelle.