Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/616

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme Voirol était dans la cour avec un officier d’état-major en tenue et tous les domestiques de la maison.

Je viens de la renvoyer s’informer chez le portier où est mon mari et si le général est sorti. Mon Dieu ! si une pareille imprudence avait été commise, les malheurs qui en arriveraient seraient incalculables ! Mon pauvre Aimé serait le premier exposé, j’éprouve une terreur et des angoisses que tu peux comprendre…


Dimanche à 11 heures. — Désespoir et désolation, ma Fanny. Qu’ils sont coupables ceux qui ont entraîné ce malheureux Prince dans la folle tentative entreprise par lui, ce matin, secondé par le colonel Vaudrey et ce misérable Parquin ! Ils sont arrêtés, en prison tous trois. Pauvre mère !… je pense qu’elle ignorait ces projets extravagans. Imaginer de faire une révolution, de renverser un gouvernement aussi fort, aussi bien établi ! avec une poignée de soldats payés et ivres. Pas un régiment de la garnison, pas une poignée de la population n’a fait aucune démonstration en faveur du Prince !… Ils avaient perdu la tête, les insensés !… Que n’ont-ils écouté les avis que mon mari a donnés à un de leurs agens de la part du général i On a trompé ce malheureux Prince sur la position de la France, sur l’esprit public. Te conter tout ce qui s’est passé dans cette fatale matinée ne m’est pas possible, il y une telle confusion dans mes idées, je suis encore si troublée, si émue, que je ne sais où j’en ai la tête ; et puis je n’aurais pas le temps. Aimé part pour Paris, envoyé par son général…


Dimanche 5 heures. — Enfin je suis seule, ma Fanny, et je puis achever cette triste lettre qui va te mettre dans la consternation. Mon pauvre mari est sur la route de Paris. Il pleut, il neige, il fait un temps affreux. Ma belle-mère a le délire, et les médecins disent qu’elle ne peut aller loin. J’éprouve un serrement de cœur, une tristesse affreuse. Quelle journée ! je n’en puis plus.

Donne-moi des nouvelles de Valérie, je n’ose lui écrire dans la crainte de compromettre mon mari, qui, d’ailleurs, me l’a expressément défendu. Quoique blâmant le Prince, je ne puis m’empêcher de le plaindre. Sa position est horrible et me désespère. Ce colonel Vaudrey est un fou et un imbécile, et le