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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/631

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Mme de Franqueville à sa sœur Fanny.


Strasbourg, le 4 novembre 1836.

Il est impossible, ma chère Fanny, que tu puisses jamais te faire l’idée de mes tortures et de mes angoisses depuis dimanche… Que fait notre Valérie ? Le sais-tu ? Donne-moi de ses nouvelles. On dit la duchesse à Kehl. Je tremble d’inquiétude pour notre pauvre sœur. Cet événement incroyable, ses résultats seront un coup de foudre pour elle. Je ne puis penser qu’à sa douleur, aux craintes affreuses qu’elles doivent avoir. Tous mes tourmens ne sont rien à côté du souci que me causent la santé de Valérie et l’état de son âme. J’ai reçu d’elle ce matin une lettre si cruellement triste que j’en ai pleuré toute la matinée, quoique ayant reçu de bonnes nouvelles de l’arrivée d’Aimé à Paris, et, en attendant mon père, qui est arrivé à midi, — et pourtant, pas un mot dans cette lettre qui puisse me faire penser le moins du monde qu’elle se doutait de ce qui se passait ici… Tout au contraire, elle dénote une ignorance complète de la folle démarche de ce malheureux Prince. Cette lettre était pourtant en date du 31 octobre. Ma pauvre et bien-aimée Valérie, dans quel état elle doit être… Jamais je n’ai été si douloureusement préoccupée qu’aujourd’hui, et, pourtant, on venait me faire des complimens de félicitations ; mon mari est nommé lieutenant-colonel ; il a été bien accueilli par le Roi, et, moi, j’ai la mort dans l’âme… Aurait-on pu soupçonner jamais une pareille tentative de la part d’un Prince qu’on dit homme de sens et d’esprit distingué ? Il n’a pas fait preuve de connaissance des hommes en choisissant ceux qui devaient l’aider en pareille entreprise ; un homme méprisé, comme M. Parquin, une tête sans cervelle comme ce Vaudrey !…


La même à la même.

Strasbourg, 4 novembre.

… On a beau me dire que je ne dois pas t’écrire non plus, il m’est impossible de te laisser ainsi sans nouvelles de nous et sans te dire que, généralement, on espère qu’il sera fait grâce au Prince, et je voudrais bien que sa malheureuse mère pût lire