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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/701

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REVUE MUSICALE

UN GRAND TRAGIQUE FRANÇAIS — GLUCK


« Poursuivons jusqu’au trépas
L’ennemi qui nous offense. »


Telles sont les paroles d’un chœur célèbre de l’Armide de Gluck. Et la musique, par la mélodie, par le mouvement et le rythme, en renforce, avec une puissance singulière, les deux idées, ou les deux sentimens : celui de la poursuite et celui de l’offense. Faisons tous aujourd’hui, chacun selon nos moyens, ce que le poète et le musicien nous commandent. Faisons même davantage. Poursuivre l’ennemi ne suffit pas. Dépouillons-le, s’il se peut. Aussi bien, et rien que dans l’ordre de l’esprit, en attendant de moins abstraites revanches, ni les occasions ni le droit ne nous manquent d’exercer sur l’Allemagne de légitimes et copieuses reprises. Nous avons naguère, ici même[1], revendiqué pour la Flandre la race et comme le sang de Beethoven. Si le génie se divisait, — et, dans une certaine mesure, on peut le diviser en effet, — l’Italie aurait beaucoup à prétendre sur certaines parties, vraiment irredente, du royaume de Mozart. Aujourd’hui, c’est pour la France que nous revendiquons le plus grand maître de la scène lyrique française. S’il est Allemand, Autrichien, par le nom et par la naissance, Christophe Willibald Gluck a, par ses chefs-d’œuvre, effacé l’erreur, ou la tare, de son origine.

Français, et Français à la manière classique, la plus belle de toutes les manières, le musicien d’Orphée et d’Alceste, d’Armide et des deux Iphigénie, l’est pour plus d’une raison. La première, c’est que Gluck a transposé dans l’ordre sonore, l’idéal, littéraire ou plastique, de l’antiquité, et, plus précisément de la Grèce. Nous l’avons dit mainte fois,

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1914.