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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/717

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observé par chacun sur ses propres aspirations sont susceptibles de prolonger indéfiniment le conflit. Il faudra bien, un jour ou l’autre, parler des conditions de la paix. Pourquoi pas tout de suite ! » M. Bryan est probablement la seule personne au monde qui ne sache pas pourquoi on se bat et, si on le lui expliquait, il semble bien que ce serait peine perdue ; mais, pour ce qui est des conditions que la France ou plutôt que les Alliés mettent à la paix, M. le Président de la République les a dites assez clairement dans son discours du 14 juillet : il s’agit de détruire pour longtemps le militarisme prussien et de mettre l’Allemagne dans l’impossibilité de réaliser son rêve malsain de domination mondiale. Croit-on, M. Bryan lui-même peut-il croire que, si les Alliés indiquaient dès maintenant les moyens qu’ils jugent appropriés à ce but, un terrain d’entente pourrait être trouvé entre eux et l’Allemagne ? Une telle espérance serait puérile. La vérité est que, au contraire, il y aurait un surcroît de rage chez les combattans. Les conditions de la paix ne peuvent être imposées que par la victoire et acceptées que par la défaite, et ni la victoire, ni la défaite, ne sont encore choses acquises. Au surplus, le gouvernement allemand a donné à M. Bryan un commencement de satisfaction, car le chancelier de l’Empire a parlé un jour, à la tribune du Reichstag, des conquêtes territoriales que l’Allemagne serait amenée à faire, et le roi de Bavière, dans un discours qui a été généralement taxé d’imprudence, a parlé dans le même sens. Cette sincérité, qui a dû charmer M. Bryan, n’a pourtant pas fait faire le plus petit progrès à la cause de la paix. Elle n’a eu jusqu’ici d’autre conséquence que de diviser le parti socialiste allemand. Quelque intéressant que soit ce résultat, la cause de la paix ne paraît pas encore à la veille d’en tirer grand profit.

Le parti socialiste allemand, la Social-Démocratie, comme il s’intitule, est assez difficile à suivre dans ses évolutions. À la veille de la guerre, il la condamnait hautement, formellement, dans des termes dont l’énergie n’était égalée que par celle du socialisme autrichien. On sait ce qui en est advenu. Dans une séance fameuse du Reichstag, les socialistes allemands ont voté les crédits demandés pour la guerre ; le gouvernement n’a pas eu de plus fidèles acolytes. Ils ont expliqué depuis, ou, du moins, quelques-uns d’entre eux ont expliqué, — car la majorité est restée fidèlement gouvernementale, — qu’on leur avait fait croire à une agression venue de la Russie, de la France et de l’Angleterre. Le gouvernement le leur avait dit aussi, et ils l’avaient cru, en bons Allemands qu’ils sont. Mais depuis, quelques doutes sont