Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES AFFINITÉS FRANÇAISES DE L’ALSACE
AVANT LOUIS XIV

Dans sa magistrale histoire de l’Alsace au xviie siècle, mon savant ami M. Rodolphe Reuss a écrit : « Dès le milieu du xvie siècle, l’ombre de la puissance française se projette, avant-coureur des événemens futurs, sur la carte d’Alsace. Ce n’est pas du jour au lendemain que cette influence française s’est fait sentir dans notre province ; elle a été proposée discrètement, puis invoquée, puis imposée finalement par le développement naturel, et pour ainsi dire forcé, de l’histoire générale du xvie et du xviie siècle. Les débuts en furent accidentels, les premiers développemens modestes, et les origines n’en ont pas encore été suffisamment étudiées d’une manière impartiale et critique à la fois[1]. »

Ce sont ces origines qu’il m’importe de mettre en lumière. Ce sont elles que les historiens allemands ont, de tout temps, voilées, dissimulées, faussées, et plus que jamais, de nos jours, à mesure que les faits contemporains donnaient un plus éclatant démenti à leur prétention que l’Alsace avait toujours été un pays foncièrement allemand, allemand de cœur et d’esprit, allemand de mœurs et de langue. Si vraiment elle l’avait été, pourrions-nous comprendre qu’elle ait pu, en l’espace de moins d’un siècle et demi, de Louis XIV à la Révolution de 1789, se franciser comme elle l’a fait ? Cette transformation presque instantanée ne serait-elle pas un véritable miracle ? Un miracle qui saisit et surprend quand on se rappelle la remarquable

  1. R. Reuss, L’Alsace au XVIIe siècle, t. I, p. 42 (Paris, 1897).