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dirigée sur la chapelle de Riedisheim, petit village près de Mulhouse, car quelques soldats français, ayant perdu leur chemin, avaient été se réfugier dans la chapelle, et les bons Pères leur avaient mis des pansemens pour qu’on crût qu’ils étaient blessés. Mais un traître les dénonça, et une patrouille d’Allemands les emmena prisonniers ; et les prêtres furent fusillés… »

Ce que les Mulhousiens eurent à souffrir des Allemands, de nouveau maîtres dans la ville, Odile X… va nous le dire :

« Les Allemands furent beaucoup plus cruels et mauvais qu’avant. Des vieux messieurs alsaciens-français furent pris comme otages. Ils étaient des meilleures familles de la ville. On leur fit porter leur ballot et on les emmena à pied, dans un camp de concentration où on leur fit faire les travaux les plus abjects. Mais les Allemands voulurent savourer encore mieux leur vengeance sur les pauvres Alsaciens. Ils mirent des soldats dans toutes nos maisons ; nous en avions beaucoup à loger. Ils étaient tellement exigeans et demandaient tant de choses qu’on ne pouvait jamais les satisfaire. Quinze jours plus tard, les Français entrèrent de nouveau à Mulhouse, en jouant la Marseillaise, mais cette fois, ils ne furent pas acclamés, car les Mulhousiens avaient trop peur d’être emprisonnés. »

Pourtant, pour dépeindre la félicité qui accompagna le retour des Français, cette Alsacienne de douze ans trouve des accens qui nous émeuvent :

« Depuis ce jour, la vie fut délicieuse à Mulhouse ! Les Français étaient tellement aimables avec tous ! Juste le contraire des Allemands… J’allais leur porter des fleurs, avec mon frère, et je leur donnais aussi des cigarettes. Ils nous remerciaient tellement gentiment que c’était un plaisir de leur donner. Le drapeau français flottait sur l’Hôtel de Ville ; on avait changé l’heure allemande contre l’heure française ; on osait dire tout haut ce que l’on pensait et cette vie était comme un rêve magnifique qui ne pouvait durer longtemps… »

Ces termes sont vraiment charmans. Ils font sentir avec quelle vivacité la fillette a joui de ce bonheur éphémère. Pour la seconde fois, en effet, nos ennemis rentrent dans Mulhouse : « Rester pour voir ces sales Boches faire de nouvelles arrestations, revivre sous le régime de ces barbares, cela non ! » s’écrie Odile X…, dont les parens décident de s’en aller, « mais