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de commettre une injustice. Cela suffit pour que cet acte doive être considéré comme directement compris dans les termes de l’allocution pontificale. » Il s’agit d’une allocution où le Pape avait condamné in globo, mais sans application à un acte déterminé, « toute injustice de quelque côté et pour quelque motif qu’elle soit commise. » La lettre du cardinal Gasparri à M. Van den Heuvel a donné satisfaction à la Belgique et, ce qui est mieux encore, la reproduction en a été interdite en Allemagne. Il n’est pas mauvais que le Saint-Siège, à son tour, souffre un peu, oh ! bien peu, pour la justice. Celui qu’il représente sur la terre y a souffert davantage.

Revenons à l’adresse que l’anniversaire de la déclaration de guerre l’a amené à envoyer aux peuples belligérans et à leurs chefs : il y parle un peu comme un pacifiste et semble admettre que la guerre est un si grand mal qu’il n’y en a pas de pire, de même qu’il n’y a pas d’œuvre meilleure que le rétablissement de la paix. Le cri de douleur que pousse le Saint-Père, en songeant à « l’horrible carnage qui depuis un an déshonore l’Europe, » est très éloquent et vient d’un cœur paternel, mais on a vu plus haut les réponses qu’ont le droit d’y faire les peuples qui, après n’avoir rien négligé pour éviter la guerre, sont aujourd’hui obligés de la subir et tiennent par-dessus tout à ne pas recommencer. « On ne peut pas dire, assure le Saint-Père, que l’immense conflit ne peut pas se terminer sans la violence des armes… Pourquoi ne pas peser dès maintenant avec une sereine conscience les droits et les aspirations des peuples ? Pourquoi ne pas entamer de bonne volonté un échange direct ou indirect de vues ayant pour but de tenir compte dans la mesure du possible de ces aspirations et d’aboutir ainsi à mettre fin à cette lutte terrible ? » Le langage du Pape n’est pas nouveau à nos oreilles ; nous l’avons déjà entendu ailleurs ; nous y répondions il y a quinze jours que la paix n’était pas encore mûre, et que, à vouloir en trop hâter l’éclosion, on risquait de provoquer une recrudescence d’hostilités. Le Pape écrit : « Qu’il soit béni celui qui, le premier, élèvera une branche d’olivier, et tendra la main à l’ennemi en lui offrant des conditions raisonnables de paix ! » Il n’est pas impossible que ce porteur de branche d’olivier soit l’empereur d’Allemagne, mais peut-être le Pape l’aura-t-il béni un peu vite et encore faudrait-il pénétrer dans le secret de ses intentions. Elles sont quelquefois profondes et ne sont pas toujours droites.

Il n’est pas douteux que celles du Saint-Père ne soient, au contraire, d’une droiture parfaite ; mais a-t-il tenu compte de tous