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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/961

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tous, nous parlons, nous agissons de même et c’est dans cette communauté de nos sentimens et de nos efforts qu’est le gage du succès futur.

Quelque importance qu’ait eue le discours de M. Sazonof, celui du président du Conseil n’en a pas eu une moindre. M. Gorémykine a parlé de la Pologne, et les circonstances donnaient à ce qu’il en a dit un intérêt presque tragique. On se rappelle, aucun de nous n’a pu l’oublier, l’ordre du jour par lequel le grand-duc Nicolas, au commencement de la guerre, annonçait que la Pologne, divisée alors en trois tronçons dispersés entre des mains différentes, serait reconstituée et rendue autonome sous le sceptre de l’empereur de Russie. L’effet produit par cette déclaration a été immense. L’initiative prise par le grand-duc était à la fois un élan de générosité et un acte politique dont tout le monde a senti la portée. Donner un but à la Pologne, l’orienter tout entière vers l’unité et la liberté pouvait justement passer pour un coup de maître et, seule, la Russie victorieuse pouvait faire de cette promesse une réalité. L’Allemagne est provisoirement à Varsovie ; mais quand bien même elle y resterait, elle ne pourrait pas reconstituer intégralement l’ancienne Pologne, car il faudrait pour cela qu’elle consentît elle-même et qu’elle obtint que l’Autriche consentît également à abandonner les parties de la Pologne qu’elles détiennent toutes deux, et c’est ce qu’elles ne feront ni l’une ni l’autre. Ne pouvant pas prendre à son compte et tourner à son profit la politique de la Russie à l’égard de la Pologne, elle s’est appliquée à la discréditer. Pendant plusieurs mois, ses journaux ont répété qu’on ne faisait rien en Russie, qu’on ne préparait rien en vue de la reconstitution de la Pologne sur la base annoncée et promise. Les engagemens si solennellement pris ne seraient donc pas tenus. Au reste, l’Empereur ne les avait pas sanctionnés. Le grand-duc Nicolas avait parlé seul, peut-être imprudemment ; l’Empereur s’était tu, et ce silence ressemblait à un désaveu. Tel est le thème que la presse allemande s’appliquait à développer et que les agens allemands répandaient perfidement dans l’opinion. Malheureuse Pologne ! Son sort est particulièrement triste aujourd’hui, mais il lui reste l’espérance, et l’empereur Nicolas a voulu que cette espérance devînt désormais une certitude. Il a donc pris un engagement personnel qui ne laisse aucun doute sur ce que sa résolution a d’inébranlable. « Dans les jours actuels, a dit M. Gorémykine, il importe de faire savoir au peuple polonais que son organisation future est définitivement et irrévocablement décidée