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Vainement se multipliaient autour de lai les preuves des dispositions pacifiques de M. René Goblet, président du Conseil, de M. Flourens, devenu ministre des Affaires étrangères et de tous leurs collègues, il feignait de rester incrédule ou tout au moins de douter de leur autorité qui était exposée, prétendait-il, à être affaiblie et compromise par la popularité bruyante et encombrante du général.

Tel est le thème des nombreux discours qu’il va prononcer maintenant dans le Reichstag afin de le convaincre de la nécessité de voter le Septennat et de donner à l’Empire la sécurité dont il a besoin pour conjurer les dangers qui le menacent. Il apportera dans cette campagne une ardeur juvénile et irritée, brouillonne et venimeuse. Constamment sur la brèche, il ne laisse sans réponse aucun des argumens invoqués contre sa politique. En même temps qu’il s’évertue à déclarer qu’il ne nourrit pas de mauvais desseins contre la France, on dirait qu’il a pris à tâche de la provoquer. Quand il parle de la paix c’est avec une voix de guerre.

« La pensée de faire une guerre parce que peut-être elle est inévitable dans l’avenir, déclare-t-il, et que dans l’avenir elle pourrait avoir lieu dans des circonstances moins favorables, a toujours circulé loin de mon esprit et je l’ai toujours combattue. Nous n’attaquerons jamais la France, si les Français veulent maintenir avec nous la paix aussi longtemps que nous ne les attaquerons pas. Si nous étions sûrs de ce fait, alors la paix serait assurée. Mais quelles que soient les intentions pacifiques du ministère actuel, il n’est pas douteux que le feu sacré de la revanche est toujours entretenu par une minorité qui veut la guerre et pourrait entraîner le reste du pays en lui donnant l’assurance que la victoire est certaine parce que la France est plus forte que l’Allemagne. »

Ce qu’il y avait de plus grave et de plus irritant pour la France dans ces propos, c’est que le chancelier ne croyait pas à la réalité du péril qu’il dénonçait et ne se demandait même pas si ses manœuvres n’auraient pas pour effet de déchaîner, en deçà et au-delà des frontières, des passions patriotiques qu’il ne serait plus possible de contenir. Laissant entendre que, si la guerre devait éclater, ce serait à deux ou trois ans de là, il disait encore pour assombrir l’horizon : « La guerre de 1870 n’aurait été qu’un jeu d’enfant à côté de celle de 1890. Ce serait,