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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/151

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l’événement, mais il émit l’idée que l’arrestation avait été opérée en vertu d’une décision judiciaire.

— La Justice, ajouta-t-il, fait ses coups sans avertir, et, une fois qu’elle est partie, il est difficile de l’arrêter. Du reste, je ne suis pas au courant de l’affaire et je ne pourrai vous répondre qu’après enquête.

L’ambassadeur ne fut pas dupe de ce mensonge. Depuis qu’il était en rapport avec le ministre, il avait appris à le connaître. Il le savait non moins dissimulé que son père, à qui il ressemblait par divers côtés, mais non par les meilleurs. Au surplus, un acte aussi arbitraire ne pouvait avoir été accompli sans un ordre supérieur. L’ambassadeur ne croyait pas que cet ordre eût été donné par le chancelier, mais il soupçonnait son fils d’en être l’auteur et d’avoir pris sur lui, sans consulter personne, de faire cette insulte à la France. Disons, pour n’y pas revenir, qu’il ne se trompait pas. En Allemagne, dans les régions officielles, c’est au comte Herbert de Bismarck que fut imputée la responsabilité de l’événement. Plusieurs mois plus tard, on en parlait encore, et, le 9 octobre, le prince de Hohenlohe mentionnait dans son journal « l’indignation impériale soulevée par la conduite d’Herbert de Bismarck dans l’affaire Schnæbelé. » Indignation qui se comprend d’autant mieux que, dans cette affaire, le ministre allemand avait été aussi maladroit que perfide. M. Jules Herbette, bien qu’il fût convaincu de sa duplicité, n’en tenait pas la preuve, et il dut se résigner à attendre le résultat de l’enquête à laquelle son interlocuteur lui promettait de se livrer.

Dès le lendemain, l’incident était connu à Berlin par une communication de l’agence Wolf, qui le racontait d’après une dépêche de l’agence Havas qu’elle reproduisait en la complétant. Le même jour, la chancellerie impériale faisait savoir au gouvernement français par son ambassade de Paris que le commissaire de police avait été arrêté sur un mandat de la Cour de Leipzig et qu’il était accusé de complicité dans des crimes de haute trahison, dans des faits d’espionnage et de provocation à la désertion. M. Flourens eut la sagesse de ne pas aborder le point de savoir dans quelle mesure l’arrestation était justifiée et de se maintenir sur le terrain de la légalité. L’enquête faite par les autorités françaises établissait « qu’objet sur territoire allemand d’une première agression à laquelle il