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d’irrégularité. Au nom de mon gouvernement, je vous demande de ne pas la maintenir.

Mis au pied du mur, le comte Herbert allégua qu’il ne pouvait prendre une résolution sans consulter le chancelier et s’engagea à faire connaître sa réponse à quelques jours de là. L’ambassadeur insista sur la nécessité, dans l’intérêt des deux gouvernemens, de ne pas la faire attendre. En France, où déjà se manifestait un certain émoi, elle était impatiemment attendue, et il convenait de couper court aux commentaires irritans. Dès le lendemain, il revenait à la charge. Il en fut de même durant toute une semaine, et sans doute ses entretiens avec le ministre allemand se ressentirent parfois de l’irritabilité de celui-ci, car, trois ans plus tard, au moment de la chute des Bismarck, M. Jules Herbette en conservait le souvenir et, faisant allusion aux violences de langage du comte Herbert, les rappelait en ces termes :

« Espérant m’intimider, il le prit un jour de très haut à propos de l’espionnage pratiqué en Allemagne par des fonctionnaires français. J’élevai aussitôt le ton au morne diapason et je répondis que le gouvernement allemand, se servant plus que tout autre de moyens occultas, ne devait s’étonner que d’une chose : c’est qu’on usât aussi timidement à son égard des mêmes moyens. Je repris ensuite :

« — Mais pourquoi nous emportons-nous ? Parlons tranquillement ; nous n’en serons que plus facilement d’accord. »

Tandis que la négociation se poursuivait à Berlin dans une atmosphère orageuse, à Paris on en attendait anxieusement l’issue, mais sans se départir du calme avec lequel, dès le premier moment, le gouvernement et l’opinion avaient envisagé toutes les conséquences possibles d’un conflit. Sous ce calme se dissimulait à peine la ferme volonté dont étaient animés tous les cœurs de défendre jusqu’au bout une cause juste ; et d’obtenir de l’Allemagne une réparation.

Lorsqu’on lit aujourd’hui les journaux de cette époque et lorsqu’on se rappelle les propos qui s’échangeaient dans les salons, dans la rue, dans les lieux publics, on ne peut qu’admirer la belle patience et la noble altitude de la France au cours de ces péripéties. Il est fâcheux pour l’Allemagne qu’au mois de juillet 1914 elle ne se soit pas rappelé les sentimens manifestés en 1887 par le peuple français. Peut-être se