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administration, des impôts excessifs, l’injustice, la corruption, et surtout par la traite des esclaves que le gouvernement tolérait et même encourageait. Des milliers et des milliers de kilomètres carrés de terres cultivées de temps immémorial, retombées en friches, les norias brisées ou détruites, la majeure partie de la population, découragée de travailler et oisive[1]. » L’impopularité de ce régime fut la cause déterminante de l’insurrection fomentée en 1881 par le soi-disant mahdi Mohammed Ahmed, elle en explique le succès que l’insuffisance des forces militaires égyptiennes et l’incapacité de leurs chefs rendirent foudroyant. Ce mouvement eut pour cause occasionnelle l’interdiction de la traite des esclaves[2]. La prise de El Obeid, le 17 janvier 1883, l’anéantissement le 5 novembre 1883 de l’armée venue d’Egypte sous le commandement de Hicks pacha, la capitulation survenue un mois plus tard de Slatin pacha, gouverneur du Darfour, la prise de Khartoum et le meurtre de Gordon pacha, son héroïque défenseur en 1885, enfin la capitulation de Kassala en juin de la même année, suivie quelques jours plus tard de la mort du Madhi, tels sont les principaux événemens qui amenèrent en 1885 l’évacuation du Soudan, puis son abandon, notifié à ses habitans par une proclamation du khédive, et qui livrèrent le pays a la domination d’Abdallah et Taachi, le khalife (vicaire) du Mahdi.

Le régime mahdiste ne fut point la tyrannie atroce, aveugle et désordonnée qu’on a voulu en faire. Abdallah sut organiser une armée permanente convenablement équipée et encadrée, une administration et une justice régulières, un système financier fructueux et assez équitable. C’est ce qui résulte des récits que plusieurs prisonniers européens ont écrits sur leur captivité[3]. Le pays n’en fut pas moins dévasté et dépeuplé. Ses habitans souffrirent affreusement, surtout après la crue exceptionnellement basse de 1888, des famines que l’interruption de toutes relations avec l’Egypte et l’Europe laissaient sans remède,

  1. E. A. Wallis Budge, The Egyptian Sudan, II, p. 240.
  2. « Venality and oppression of the officials, the suppression of the slave trade, military weakness, these are the three causes of what has been called the rebellion. ». — K. R. Wingate, Mahdism and the Egyptian Sudan, p. 52.
  3. Aufstand und Reîch des Madhi im Sudan und meine Zehnjarige Gefangenschaft dortselbst, 1902 ; — Slatin Pacha, Fer et feu au Soudanv traduction française 1898 ; — F. R. Wingate, Mahdism and the Egyptian Sudan, 1891. Cf. Dujarric, L’Etat mahdiste au Soudan, 1901 ; — H. Dehérain, Études sur l’Afrique.