Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ouest de Borkum, à peu de distance d’une ancienne redoute française, — la Franzosischc Schanze, — qui nous rappelle qu’il y a cent cinq ans Borkum faisait partie de l’Empire napoléonien (département des Bouches-de-l’Ems). D’ailleurs on les retrouve partout, ces redoutes françaises, sur le littoral allemand, aussi bien dans la Baltique que dans la Mer du Nord. Leur construction et leur armement firent partie de l’ensemble des mesures prises par Napoléon pour interdire aux Anglais l’accès de cette longue bande de côtes derrière laquelle se pressaient des peuples irrités contre le blocus continental qui les privait des sucres, des épices, des lainages, des cotonnades que leur offrait la Grande-Bretagne. Tout est renversé aujourd’hui, et on a pu lire dans un grand journal français la poignante lettre dans laquelle sir William Ramsay, le célèbre chimiste, adjure pour la seconde fois le gouvernement britannique de déclarer contrebande de guerre ce coton avec lequel les Allemands fabriquent les explosifs qui tuent les soldats alliés[1].

Je parlais tout à l’heure de l’importance du port d’Emden, qui s’est complètement transformé depuis une vingtaine d’années. Cette importance n’est pas seulement commerciale. Dans sa poussée vers l’Ouest, vers l’Angleterre ennemie, la politique militaire de l’Empereur allemand ne pouvait négliger un point aussi bien placé et un havre aussi sûr. Le secret fut d’ailleurs mal gardé, — à dessein, peut-être, et dans des vues d’intimidation, — des travaux entrepris pour faire d’Emden le commode port d’embarquement de l’avant-garde de l’armée d’invasion. Ce n’était pas seulement la Grande-Bretagne que l’on visait. Emden n’est qu’à 19 kilomètres de Delfzijl, le port hollandais de l’Ems. Dans le cas d’un conflit où la Hollande prendrait parti contre l’Empire, la prise de possession des provinces septentrionales de la Néerlande pouvait être singulièrement facilitée par une descente, au moyen de laquelle on tournait les nombreuses lignes d’eau qui coupent la voie ferrée de Leer à Groningue et à Leeuwarden. En attendant, tout fut disposé, à Emden et à Borkum, pour le ravitaillement et les réparations courantes des sous-marins. La précaution s’est trouvée inutile après la prise d’Anvers et de Zéebrügge. La position de ce dernier port et son excellent

  1. La mesure vient enfin d’être prise ces jours-ci.