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qui est aussi le plus puissant, au point de vue des effets balistiques, est au contraire insoluble dans le mélange alcool-éther. Si pourtant on fait macérer dans du collodion le coton-poudre le plus azoté, celui-ci sans se dissoudre s’émulsionnera en quelque sorte dans la liqueur, s’y désagrégera en parcelles impalpables, formera avec le collodion une sorte de masse gélatineuse, en un mot un colloïde (je renvoie mes lecteurs à la définition que j’ai donnée naguère de ce mot ou plutôt de cette chose). Si on laisse alors évaporer l’excédent d’alcool et d’éther de cette solution colloïdale, on obtient une sorte de pâte consistante et plastique que l’on peut triturer, comprimer, tréfiler et qu’on amène dans une sorte de filière d’où elle sort sous forme de ruban qu’on met à sécher et qui est constitué par une sorte de corne élastique, homogène et flexible. C’est la matière première de la poudre sans fumée.

Le mérite éminent de M. Vieille, — qui nous a donné pendant plusieurs années une supériorité dans la balistique, bientôt imitée comme il arrive toujours en ces matières par les autres nations, — son titre impérissable est d’avoir précisé cette gélatinisation du coton-poudre et d’avoir aperçu et montré scientifiquement tous les avantages qu’on en pouvait tirer et que nous allons examiner maintenant.

Bien que la matière gélatinée obtenue par la dissolution du coton-poudre ultra-nitré dans le collodion dérive essentiellement et en quelque sorte doublement du coton-poudre lui-même, elle en diffère pourtant du tout au tout. Pour simplifier, nous appellerons cette substance la poudre B du nom qui lui fut donné d’abord en l’honneur, dit-on, de l’initiale du général Boulanger, qui était ministre de la Guerre lorsque M. Vieille fit ses célèbres expériences. Tout d’abord, et ceci est fondamental, la poudre B, à l’encontre du coton-poudre, est incapable de détoner sous quelque influence que ce soit. Qu’on l’enflamme, qu’on la frappe, qu’on lui fasse subir le choc extraordinairement brusque du fulminate de mercure, elle brûle, elle fuse, mais ne détone jamais. Elle n’est jamais brisante comme le coton-poudre et peut donc, à cet égard, être employée sans crainte d’accidens comme poudre propulsive ; et sa fabrication ne risque pas de voir se produire les explosions soudaines que déchaîna trop souvent celle du coton-poudre

Si nous comparons maintenant la poudre B à la vieille poudre noire, deux points retiennent notre attention : d’une part la poudre B est, comme le coton-poudre lui-même, très inférieure à la poudre noire au point de vue de la stabilité. Au bout d’un certain temps, et