Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’agissait de la neutralité de la Belgique et de l’utilité de prévoir d’avance ce qu’il y aurait lieu de faire pour la défendre, si elle était violée. Quoi de plus naturel, de plus légitime que cette suggestion où M. de Bethmann-Hollweg a voulu voir à tout prix la preuve que la Belgique avait manqué la première aux obligations d’une neutralité qui, dès lors, n’existait plus ? Un pareil sophisme n’a vraiment pas besoin d’être réfuté, mais puisque M. de Bethmann-Hollweg s’y acharne, il est peut-être bon de le caractériser, et c’est ce que sir Edward Grey vient de faire dans une lettre à la presse où il dit qu’« il n’y a rien de plus méprisable et de plus abject. » Mais enfin, puisque c’est la thèse du gouvernement allemand, il devrait s’efforcer de la rendre un peu moins invraisemblable : aussi est-on tout surpris de constater que, dans une autre partie de son discours, M. de Bethmann-Hollweg a fait précisément le contraire. Il y a parlé, en effet, d’une correspondance très abondante, trouvée, elle aussi, dans les papiers du gouvernement belge et que le gouvernement impérial a livrée à la publicité de la Gazette de l’Allemagne du Nord : c’est celle des ministres de Belgique dans plusieurs capitales de l’Europe pendant les dix années qui ont précédé la guerre. Elle est très uniforme dans le fond et dans la forme. Nous n’en citerons rien pour ne pas contrister des amis malheureux et qui n’ont pas mérité de l’être ; mais, certes, les ministres belges étaient aussi éloignés que possible d’être les adversaires de l’Allemagne. Tout au contraire, ils l’admiraient ; ils voyaient en elle un pays d’ordre, un pays conservateur, dont la politique assurait le maintien de la paix générale, tandis que cette paix menaçait constamment d’être troublée, on ne devinerait pas par qui : par l’Angleterre et par nous. Le gouvernement impérial a sans doute cru piquant de publier aujourd’hui ces dépêches : que prouvent-elles, sinon que la Belgique évoluait dans l’orbite de l’Allemagne et était à cent lieues de s’entendre contre elle avec l’Angleterre. Si M. de Bethmann-Hollweg a cru que, par cette publication, il ferait naître quelque gêne entre les alliés d’aujourd’hui, il a commis encore une de ces graves erreurs de psychologie qui sont si fréquentes chez ses compatriotes et chez lui. Que nous importe ce passé ? La Belgique sait maintenant à quoi s’en tenir sur les projets de domination universelle que l’Allemagne roulait depuis longtemps dans sa tête et dont Liège, Namur, Louvain, Anvers devaient être les premières victimes. Et qu’en ressort-il à notre sujet, de cette correspondance ? Hélas ! qu’on s’était tellement habitué partout à voir en nous des vaincus résignés, ou qui devaient l’être, que toutes les fois que nous relevions